Jeux Olympiques 2024 : en Polynésie française, les gendarmes sécurisent les épreuves de surf sur terre, en mer et dans les airs

  • Par le chef d'escadron Charlotte Desjardins
  • Publié le 02 août 2024
Deux gendarmes de profil contrôlant un véhicule gris clair avec des plots délimitant l'axe
© D.R.

Autour du site de Teahupo’o, qui accueille les épreuves de surf des Jeux Olympiques de l’été 2024, les gendarmes de Polynésie française sont largement déployés pour en assurer la sécurisation. À leur tête, le colonel Grégoire Demézon, qui nous expose le dispositif.

Mon colonel, pouvez-vous nous expliquer comment s’organise le Commandement de la gendarmerie pour la Polynésie française (COMGENDPF), et quelles épreuves sont accueillies cet été ?

Au sein de cette collectivité d’outre-mer, la gendarmerie déploie 500 militaires d’active et 200 militaires de réserve.

Les personnels d’active sont répartis sur deux Compagnies de gendarmerie départementale (la CGD des Îles du Vent-Faaa et celle des Archipels-Papeete), un Escadron de gendarmerie mobile (EGM) déplacé, une Section de recherches (S.R.) et une Antenne GIGN (AGIGN), le tout coordonné par un état-major à Papeete. Je suis à la tête de ce COMGEND depuis l’été 2023, après en avoir été le commandant en second pendant un an.

Cet été, nous recevons les épreuves de surf des Jeux Olympiques. La période a en fait commencé le 20 juillet dernier avec les entraînements des surfeurs, jusqu’au 26 juillet, jour de la cérémonie d’ouverture, qui était ici une cérémonie traditionnelle polynésienne. À l’issue de celle-ci, nous sommes entrés dans la période de compétition, qui s’étend du 27 juillet au 5 août. Elle comprend cinq jours de compétition à proprement parler et six jours de waiting period, qui permettent d’attendre les conditions de vagues optimales pour que les épreuves de surf puissent se dérouler.

Quand la préparation pour les J.O. a-t-elle commencé pour la gendarmerie de Polynésie ? Et comment la manœuvre de sécurisation s'est-elle construite et déployée ?

Pour nous, la manœuvre J.O. a débuté il y a 18 mois par une phase de planification opérationnelle. Nous avons mis en place un Groupe de planification opérationnelle (GPO) au sein du COMGEND, qui associe les services du Bureau opérations emploi, les commandants de compagnie, le commandant de la S.R. et celui de l’AGIGN, le commandant de l’EGM, la Section opérationnelle de lutte contre les cyber-menaces (SOLC) et enfin le Bureau soutiens finances (BSF).

Ce GPO s’est réuni une fois par mois et a permis d’affiner les besoins et le dispositif à mesure que les épreuves approchaient.

La deuxième facette de la préparation s’est tenue à travers des séquences qui nous ont permis de tester et d’éprouver notre dispositif, à la manière d’un entraînement. Elle s’est déroulée en août 2023 à l’occasion des épreuves de championnats du Monde de surf, ainsi qu’en mai 2024 lors de la sixième manche du Championship Tour 2024 de la World Surf League.

Troisièmement, nous avons préparé l’accueil de ces Jeux grâce à un plan Zéro délinquance qui a commencé le 1er décembre 2023 et s’est terminé le 15 juillet 2024. Nous avons mis en œuvre quatre opérations « Place Nette » thématiques durant chaque fois une quinzaine de jours. Trois d’entre elles étaient orientées vers la lutte anti-stupéfiants et la quatrième ciblait la délinquance environnementale.

Ce travail nous a permis d’obtenir des résultats significatifs et d’impacter durablement la délinquance, notamment le trafic de drogue en Polynésie française.

Un gendarme de dos sur une embarcation qu'on aperçoit le bord à droite de l'image. Sur le plan d'eau, des bateaux et jet-ski devant des montagnes vertes de Tahiti
© D.R.

Pouvez-vous nous préciser quels sont les enjeux pour la gendarmerie de Polynésie dans une telle manœuvre ? Quels objectifs, mais aussi quels risques ont été identifiés ?

C’est la seule épreuve des Jeux qui se déroule outre-mer, à 20 000 km de la métropole. Il nous a donc fallu appréhender, tant dans la préparation que dans le déroulement, ces conditions d’élongation logistique. C’est une préparation qui s’est faite en totale autonomie.

Les renforts dont bénéficie le COMGEND sont ceux de notre réserve opérationnelle, puisque nous mobilisons chaque jour, pendant trois semaines, une compagnie de réserve territoriale composée de 60 réservistes. C’est un effort très important.

La montée en puissance de la réserve opérationnelle

« Nous avons commencé la montée en puissance de notre réserve opérationnelle l’été dernier. Trois Préparations militaires gendarmerie (PMG) ont été conduites de juillet 2023 à février 2024, doublant les effectifs de nos réservistes, comme s’y était engagé le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer lors de sa venue ici au cours de l’été 2023. Nous sommes donc passés de 100 à 215 réservistes, ce qui nous permet aujourd’hui de pallier l’absence de renforts (notamment en G.M.), en totale autonomie. »

Les épreuves se déroulent intégralement en Zone gendarmerie nationale (ZGN). La vague et le spot de Teahupo’o, qui est une reef break de la côte de Tahiti Iti [NDLR : la presqu’île de Tahiti], se situe en ZGN, ainsi que deux des trois fanzones. La manœuvre globale est donc essentiellement prise en compte par la gendarmerie, avec des enjeux importants en termes d’ordre public, d’intervention spécialisée, de police judiciaire et de sécurité publique, que nous avons appréhendés dans le cadre du GPO, afin de balayer l’ensemble de ces aspects. Le tout sans oublier la dimension logistique, puisque nous avons créé un poste de commandement déporté sur la presqu’île, auquel est jumelée une base logistique gendarmerie qui permet de loger l’ensemble des gendarmes mobilisés sur les J.O.

Le soutien logistique

« En parallèle de notre planification opérationnelle, nous avons mis en place une planification logistique. L’option retenue a été de mettre en place un poste de commandement déporté, colocalisé avec celui du haut-commissariat, afin de conduire les opérations.

Nous avons également installé une Base logistique avancée (BLA), qui nous permet d’héberger 200 gendarmes, de les alimenter sur place et de les soutenir, avec un appui des forces armées, grâce au Service de l’énergie opérationnelle (SEO), mais aussi au Service de santé des armées (SSA), puisque nous avons un poste médical avancé au sein de cette BLA.

Les soutiens automobile et nautique ont aussi été déportés au sein de la BLA et du poste de commandement, pour assurer une centralisation des moyens. »

En termes de risques, l’état de la menace ici n’est pas comparable à celui de la métropole. Le risque terroriste peut être considéré comme faible, de même que celui lié à la criminalité.

En revanche les principaux sujets sur lesquels on a travaillé c’est tout d’abord l’acceptabilité par les riverains. Nous sommes sur un territoire isolé, avec des conditions d’accès difficiles : on ne compte qu’une seule route, et un passage à gué pour rejoindre le site où se déroulent les compétitions. Il y a des passages à faire à travers des servitudes privées, il nous a donc fallu travailler là-dessus, en lien constant avec la population locale.

Outre ce sujet sensible, nous avons pris en compte dans notre dispositif le risque d’accident, car cela reste une vague extrêmement dangereuse qui se brise sur le récif.

Vient ensuite le risque lié aux conditions climatiques. Le site de compétition est coupé en deux par une rivière ne comprenant pas de pont, seulement le passage à gué, impliquant de traiter certaines problématiques logistiques si les conditions météo venaient à se dégrader.

Enfin, nous avons identifié et pris en compte le risque cyber dans notre manœuvre globale.

Trois gendarmes mobiles de dos marchant sur une plage de sable noir. à droite la mer. Sur la plage, des personnes assises ou allongées. A gauche des drapeaux publicitaires de Coca COla et Powerade
© D.R.

Quelles sont les missions et les moyens concrètement engagés pendant ces Jeux ?

Pour faire face à ces quatre risques et garantir la sécurité publique lors de ces Jeux, nous avons mis en place un dispositif qui nous permet de les traiter.

Sur le volet cyber, nous avons mené une action très dense au cours des dix-huit derniers mois pour sensibiliser les principaux acteurs institutionnels et ceux de la vie économique locale. Nous sommes intervenus dans toutes les mairies, auprès des DGS (Directeurs généraux des services), auprès du MEDEF local, ainsi que des grands acteurs de l’économie que sont les chaînes hôtelières et les distributeurs, afin de les sensibiliser à la sécurité informatique. Cette longue séquence de travail a été clôturée par un forum sur la cybersécurité au printemps 2024, organisé par le Haut-commissariat.

Concernant les autres risques, nous avons construit un dispositif d’ordre et de sécurité publics qui se déploie à terre comme en mer. Cet ordre public en mer, c’est la grande particularité des J.O. ici.

Pendant trois semaines, 250 gendarmes sont engagés sur la presqu’île de Tahiti, regroupés en cinq Groupes de force (G.F.), qui ont chacun leurs propres missions :

- un G.F. action nautique ;

- un G.F. action terrestre ;

- un G.F. police judiciaire ;

- un G.F. réserve d’intervention ;

- un G.F. intervention spécialisée.


Les G.F. action terrestre et action nautique remplissent les missions de sécurité publique et d’ordre public, l’un à terre et l’autre en mer.

Le groupe de force terrestre est organisé de manière à filtrer les gens qui arrivent sur la zone de compétition, s’assurant qu’ils sont titulaires d’un laissez-passer (pour les riverains par exemple) ou d’une accréditation de Paris 2024. Des points de filtrage sont mis en place, avec en complément, des postes de sécurité qui permettent d’intervenir au bénéfice de l’organisateur, si un trouble à l’ordre public devait être constaté à l’intérieur de la zone.

Au plus loin, nous avons des points aléatoires qui permettent de contrôler les principaux axes qui mènent sur la zone de compétition. L’objectif est la gestion de la canalisation des flux de circulation terrestre, assortie d’une mission de renseignement.

Concernant l’action nautique, un dispositif exceptionnel a été monté avec la brigade nautique de Papeete, mobilisant huit embarcations, trois jet-skis et une trentaine de pilotes d’embarcation de gendarmerie. Pour eux, la mission est la même que pour le dispositif terrestre, mais en mer.

Le groupe de force police judiciaire a quant à lui vocation à traiter les infractions constatées sur la zone de compétition. Nous avons ouvert deux brigades éphémères pour l’occasion. L’une d’elles est située sur l’Aranui, un bateau qui est notre village olympique ici, et sur lequel résident les athlètes. La deuxième est implantée sur le secteur de compétition, grâce à la mise à disposition du gendtruck de la brigade mobile de Moorea, créée en mars 2024 dans le cadre du plan 200 brigades.

Pour ce qui est du groupe réserve d’intervention, il est composé d’un demi-escadron de gendarmerie mobile et de trois motocyclistes. Son rôle est de renforcer les autres groupes de force, de les appuyer et de traiter les séquences imprévues qui pourraient se rajouter à la manœuvre initiale.

Enfin, le G.F. intervention spécialisée remplit les missions traditionnelles du GIGN ici. C’est aussi lui qui s’occupe de la lutte anti-drone.

Un gendarme controle une femme au t-shirt vert et bleu Paris 2024 sous une tonnelle bleue
© D.R.

Avec quels autres partenaires travaillez-vous et comment l'articulation se fait-elle avec eux ?

Dans la manœuvre conduite à Tahiti, la gendarmerie est menante sur l’ensemble des champs opérationnels, que ce soit dans les domaines terrestres, maritimes ou encore pour la troisième dimension avec la LAD.

Nous avons travaillé en coopération avec plusieurs partenaires, dont le premier est le Comité d’organisation des Jeux Olympiques, représenté ici par un bureau permanent depuis l’été 2023. Nos dispositifs terrestres et nautiques ont été construits en lien avec leur direction de la sécurité. Depuis le début des épreuves, nous sommes aussi en relation avec les services de sécurité privée qui travaillent pour l’organisateur à l’intérieur de la zone de compétition, sur terre et sur l’eau. Si la gendarmerie est responsable des contrôles d’accès à ce qu’on appelle le field of play, en garantissant à l’organisateur que les bateaux qui y entrent sont bien agréés, en revanche, une fois à l’intérieur du « terrain de jeu », la sécurité est du ressort des water patrol.

Le deuxième partenaire, ce sont les services du pays, notamment la Direction polynésienne des affaires maritimes (DPAM), laquelle a pris l’arrêté de régulation de la circulation nautique sur le plan d’eau, mais aussi les services du Haut-commissariat qui ont rédigé l’arrêté de régulation de la circulation sur la dimension terrestre du dispositif.

Que ce soit dans l’organisation ou la conduite des opérations en cours, nous nous coordonnons avec la Marine nationale, concourante à notre manœuvre sur les extérieurs. Nous sommes appuyés par leurs unités, et notamment par la gendarmerie maritime sur la périmétrie de la zone d’opérations.

Un dispositif complet au cœur des vagues polynésiennes pour que tout se déroule au mieux et en sécurité.

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