Guyane : le ballet vital des hélicoptères de la Section aérienne de gendarmerie de Cayenne

  • Par le capitaine Tristan Maysounave
  • Publié le 19 juin 2024
Hélicoptère de la SAG survolant le Maroni.
© GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

Depuis la base aérienne 367 où ils sont implantés, les gendarmes navigants de la Section aérienne de gendarmerie (SAG) de Cayenne accomplissent, en Guyane française, des missions vitales, tant sur le plan opérationnel que dans le domaine du soutien aux forces terrestres. Immersion au sein d’une unité qui se singularise par son engagement fort et déterminé face à l’adversité conjuguée des éléments et des bandes armées.

Composée à 94 % de forêt équatoriale, la Guyane française ne dispose que d’un axe routier majeur. Situé sur le littoral, celui-ci relie Saint-Laurent-du-Maroni, à l’ouest, à Saint-Georges, à l’est, en passant par Cayenne, chef-lieu du département. À l’intérieur des terres, les déplacements s’effectuent par voie fluviale, principalement en pirogue, ou par voie aérienne. À l’instar de Cayenne, où est implanté l’aéroport international, plusieurs communes disposent d’aérodromes. Au cours de la saison sèche, s’étendant d’août à novembre, le niveau des cours d’eau diminue, rendant l’utilisation de la pirogue particulièrement difficile, voire impossible sur certaines portions des fleuves. Les populations ne peuvent alors compter que sur les aéronefs pour se déplacer et être ravitaillées. Les gendarmes affectés dans l’une des nombreuses brigades disséminées sur le territoire et les renforts de gendarmerie mobile sont confrontés à la même réalité. Convoitée pour son sol particulièrement aurifère, la Guyane est la proie de la criminalité organisée et de garimpeiros (chercheurs d’or clandestins, NDLR), qui exploitent de nombreux gisements illégaux sur le territoire. Afin de lutter contre ce fléau, les acteurs de la Lutte contre l’orpaillage illégal (LCOI), parmi lesquels la gendarmerie nationale joue un rôle de premier plan, se sont structurés autour de l’opération Harpie. Les moyens aériens occupent une place stratégique et tactique indispensable à l’efficacité de cette opération interarmées et interministérielle « du haut du spectre », lancée en février 2008.

Les gendarmes navigants de la Section aérienne de gendarmerie (SAG) de Cayenne et leurs hélicoptères sont ainsi fortement sollicités, tant dans le cadre opérationnel qu’en matière de soutien logistique des unités terrestres et d’assistance à la population.

Un engagement opérationnel intense à l’épreuve du feu

« Un peu plus de la moitié de nos missions relèvent de la LCOI », souligne le lieutenant Julien, commandant la SAG.

Avec près d’un millier d’heures de vol allouées à l’année, la SAG opère plusieurs types de missions opérationnelles. Équipés de treuils, les hélicoptères de l’unité sont capables de projeter des gendarmes en forêt, de les récupérer et d’effectuer des manœuvres aériennes en interopérabilité avec les Puma de l’armée de l’Air et de l’Espace. Ceux-ci pouvant souffrir d’un manque de disponibilité en raison de l’humidité du climat guyanais, la SAG est également en mesure de pallier leur indisponibilité. En coordination avec le Centre de conduite des opérations (CCO), cette unité réalise également des raids aériens, désignés sous le nom de mission Anaconda (engagement d’un hélicoptère de la gendarmerie et d’un hélicoptère civil) ou de mission Morpho (deux hélicoptères de la gendarmerie), en raison de la couleur bleue de ce papillon d’Amérique du Sud qui rappelle celle des aéronefs. Menées avec les militaires de l’Antenne du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (AGIGN) de Cayenne, ces opérations visent à asphyxier l’activité d’orpaillage illégal, en détruisant systématiquement les outils de production des garimpeiros, au point d’en rendre le coût insoutenable. Les équipages, composés de pilotes et de mécaniciens de bord, doivent maîtriser les manœuvres aériennes les plus complexes : Tireur d’élite (T.E.) embarqué, appui feu, poser d’assaut, aérocordage et hélitreuillage, y compris en mode dégradé, c’est-à-dire sous le feu. Les aérogendarmes de la SAG sont également en mesure d’intervenir en urgence au cœur de la forêt afin, par exemple, d’extraire rapidement un militaire blessé. Les garimpeiros, qui ont compris l’importance de l’hélicoptère dans la manœuvre aéroterrestre, installent constamment des pieux en guise de pièges pour tenter d’empêcher les poser patins.

La MDC Kelly aux commandes d'un hélicoptère.
© GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

« Les raids aériens menés contre les sites clandestins nécessitent un fort engagement et présentent des risques importants », témoigne la maréchale des logis-cheffe Kelly. Arrivée à la SAG de Cayenne en 2022, la pilote, originaire de l'Aviation légère de l'armée de Terre (ALAT), compte plusieurs OPEX au Mali à son actif. « Nous survolons des chantiers clandestins sans savoir comment vont réagir les orpailleurs illégaux. Il nous est déjà arrivé de nous faire tirer dessus en plein vol. Nous réalisons en moyenne deux missions de ce type par mois. » Le 25 juin 2012, des tirs nourris sur un EC145 (bimoteur) de la SAG de Cayenne avaient blessé un gendarme embarqué et obligé l’aéronef à poser en urgence avec un moteur en moins. Depuis 2008, dix militaires sont tombés au cours de l’opération Harpie, dont un gendarme (le major Arnaud Blanc, de l’AGIGN de Cayenne).


En raison de ces spécificités opérationnelles et de l’adversité à laquelle ils sont immédiatement confrontés, les pilotes affectés à la SAG de Cayenne sont expérimentés et bénéficient d’une formation progressive à leur arrivée. « Avant d’effectuer une opération de raid aérien seul, le pilote nouvellement affecté effectue plusieurs missions avec un autre pilote, explique la militaire. Nous recourons ainsi à une forme d’entraînement en double commande. Dans le cadre de la mission Anaconda, la partie la plus difficile consiste à guider l’hélicoptère civil afin qu’il puisse se poser sur les sites d’orpaillage. Nous assurons son appui feu, en surveillant les réactions des garimpeiros. Certaines zones de poser sont particulièrement exiguës. Nous comptons donc sur l’assistance de notre MecBo (Mécanicien de Bord). Celui-ci est également chargé de vérifier la consistance du sol, afin de s’assurer que l’aéronef ne s’enfonce pas, notamment pendant la saison des pluies. »

Mécanicien de bord guidant le pilote.
© GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

Les particularités de la Guyane génèrent d’autres contraintes pour les gendarmes navigants. « Nous ne disposons que de peu de points de ravitaillement sur le territoire, complète le lieutenant Julien. Le nombre de soutes à carburant est limité. Nous devons donc en tenir compte dans nos plans de vol, ce qui induit parfois des temps de route supplémentaires. Par ailleurs, nous avons toujours à l’esprit que nous survolons la forêt équatoriale. Particulièrement dense et étendue, celle-ci ne dispose que de peu d’endroits nous permettant de nous poser en cas d’urgence. Nous apprenons donc à appliquer des procédures spécifiques en cas de défaillance. »

Aux actions de lutte contre l’orpaillage illégal s’ajoutent des opérations d’appui au commandement et des missions judiciaires, notamment effectuées au profit des enquêteurs de la Section de recherches (S.R.) de Cayenne. En cas de découverte d’un corps en forêt, la SAG est en effet capable de projeter les gendarmes de la CIC (Cellule d’Identification Criminelle) départementale et le médecin légiste et de rapatrier le corps afin de le mettre à disposition des services médico-judiciaires de Cayenne.

Un pont aérien vital au profit des unités isolées et de la population

Loin de s’apparenter à du confort, les missions de soutien et d’appui logistique opérées par les aéronefs sont essentielles au maintien de la capacité opérationnelle des unités terrestres, voire à la survie des militaires isolés.

Dans le cadre de la LCOI, outre les cantonnements répartis sur le territoire, comme à Maripasoula, des Postes avancés opérationnels tactiques (POAT), armés par la gendarmerie et les Forces armées en Guyane (FAG), ont également été installés en des endroits stratégiques. Si certains se situent à proximité de fleuves, à l’image des Postes de contrôle fluviaux (PCF), d’autres sont particulièrement isolés et ne disposent d’aucun accès terrestre. C’est par exemple le cas du poste de Dorlin, situé au cœur du croissant aurifère guyanais. Les militaires de la gendarmerie et des FAG, qui l’arment en permanence, ne peuvent compter que sur le concours des hélicoptères afin d’être ravitaillés en vivres, munitions et matériels. La relève des militaires s’effectue également par les airs.

« La Guyane est un territoire véritablement atypique du fait de ses difficultés de transport, confirme le lieutenant Julien, qui effectue son deuxième séjour en Guyane. Les vecteurs aériens sont fortement sollicités, qu’il s’agisse de nos appareils AS350 B2 Écureuil, des hélicoptères Sud-Aviation SA.330 Puma et Fennec AS-555 de l’Escadron de transport 68 Antilles-Guyane de l’armée de l’Air et de l’Espace ou d’aéronefs civils agissant sous réquisition. Aujourd’hui, nous allons par exemple ravitailler le poste de Dorlin en eau potable et rations de combat. »

Les pilotes de la SAG ravitaillent le site de Dorlin.
© GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

Les brigades isolées du territoire dépendent également du soutien de la SAG, comme à Papaichton, à l’ouest, Camopi, à l’est, ou Grand-Santi, au centre de la Guyane. Les gendarmes servant dans ces unités se situent à plusieurs heures, et parfois même à plusieurs jours de pirogue, des communes disposant d’un accès terrestre. Le pont aérien de la SAG permet donc de réduire leur isolement et d’améliorer leurs conditions de vie et de travail.

« Notre engagement peut s’étendre au-delà des besoins des gendarmes, complète l’officier. Nous sommes parfois sollicités par l’Agence régionale de santé (ARS) afin d’acheminer des médicaments aux populations. Par ailleurs, la compagnie Air Guyane, qui effectuait des vols régionaux, a été placée en liquidation à la fin de l’année 2023. Nous avons donc connu un important niveau d’engagement afin d’effectuer les ravitaillements essentiels à la population, qui n’étaient plus opérés par cette société. »

Particulièrement fiables, les appareils AS350 B2 Écureuil sont néanmoins vieillissants et parfois trop limités en capacité d’emport au regard du nombre élevé et de la diversité des missions aériennes effectuées en Guyane. À court terme, dans le cadre d’un renouvellement global des flottes des Forces aériennes de la gendarmerie nationale (FAGN), ils devraient être remplacés par des hélicoptères H145 D3 fabriqués par Airbus Helicopters. Dotées d’équipements plus modernes (radar météo, treuil, etc.), ces machines offriront un gain de volume conséquent, une capacité de manœuvre plus ample et une robustesse plus adaptée à l’adversité et à la complexité du territoire guyanais.

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