Nouvelle-Calédonie : deux gendarmes adjoints volontaires au cœur de la crise

  • Par le capitaine Tristan Maysounave
  • Publié le 08 octobre 2024
deux gendarmes debout les bras croisés, avec à droite la brigade et à gauche un camion militaire bleu
© SIRPA-G - MDC B. Lapointe

Les gendarmes adjoints volontaires Max et Daryl servent à la Brigade territoriale autonome (BTA) de Houaïlou depuis le mois d’avril 2024. À peine affectés, ils ont été confrontés à des émeutes particulièrement violentes, auxquelles ils ont su faire face avec détermination.

Située dans la province Nord, sur la côte est de la Grande Terre, la Brigade territoriale autonome (BTA) de Houaïlou est rattachée à la compagnie de gendarmerie départementale de Poindimié. Elle compte sept sous-officiers et deux Gendarmes adjoints volontaires (GAV), en les personnes de Max et Daryl. Originaires de la Nouvelle-Calédonie et âgés de 21 ans, ces deux jeunes militaires ont effectué leur formation de GAV du 28 décembre 2023 au 14 avril 2024, avant d’être affectés à la brigade le 16 avril. Cette unité peut également compter sur le renfort de gendarmes mobiles.

Des gendarmes confrontés à des actions violentes

Au printemps dernier, des émeutes ont éclaté en Nouvelle-Calédonie. Les gendarmes de la brigade de Houaïlou s’attendaient à devoir faire face à une situation compliquée. La commune compte 4 000 habitants, essentiellement favorables à l’indépendance. En conséquence, dès le début du mois de mai, des rassemblements, dans un premier temps pacifiques, étaient visibles. Le contexte s’est néanmoins progressivement détérioré, avec le recours à des actions de caillassage à l’encontre des forces de l’ordre. Eu égard à la situation, les familles des militaires avaient été évacuées à Nouméa.

Devant un portail ouvert, un camion blanc rouge et roullé est stationné derrière des poubelles. Derrière, la végétation et les montagnes
© SIRPA-G - MDC B. Lapointe

Le 30 juin au soir, veille des élections législatives, les gendarmes ont dû faire face à l’attaque de l’unité. L’enceinte de la brigade est constituée d’un mur surmonté de fil barbelé. À l’entrée se trouve un sas délimité par deux portails. Vers minuit, alors qu’un gendarme mobile montait la garde derrière le second portail, un camion de mine pesant 30 tonnes a foncé dans le premier portail, le détruisant sur son passage. Par chance, sa course folle s’est néanmoins arrêtée à quelques mètres du second. Ses occupants ont alors immédiatement mis le feu au véhicule avant de rejoindre les émeutiers encerclant la brigade. Pleinement mobilisés, les gendarmes ont alors fait face à de nombreux caillassages et à des tentatives d’intrusion. Ils ont rapidement été renforcés par la Quick response force (QRF) du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), déposée par hélicoptère. L’action de cette unité d’élite a permis de tenir les assaillants à distance.
La semaine suivante, alors que la brigade était toujours assiégée, de nombreux logements situés dans la commune ont été pillés, dont ceux de deux gendarmes. Les militaires ont également été pris à partie par arme à feu alors qu’ils patrouillaient en véhicule blindé. Isolés, les gendarmes de la BTA de Houaïlou ont dû être ravitaillés par hélicoptère pendant plus de six semaines. Une partie de la population s’est désolidarisée de ces actions violentes, mais la situation ne s’est améliorée qu’avec l’arrivée d’un Escadron de gendarmerie mobile (EGM), qui a permis d’inverser le rapport de force. Les axes et les carrefours ont progressivement pu être repris. La situation est aujourd’hui relativement normalisée. Une partie des effectifs de la brigade a été renouvelée.
Les GAV Max et Daryl racontent la période qu’ils ont vécue. Malgré le niveau de violence, l’engagement auquel ils ont fait face les a confortés dans leur volonté de poursuivre en gendarmerie.

Un gendarme portant un gilet pare balles noir la main gauche sur le volant à l'intérieur d'un véhicule bleu
© SIRPA-G - MDC B. Lapointe

Un engagement de haute intensité

« Pendant les premiers jours de la crise, la situation était compliquée, relate le gendarme adjoint volontaire Max. Nous ne pouvions plus nous rendre à Nouméa car c’était devenu trop dangereux, et les repos avaient été annulés. Nous étions cantonnés au sein de la brigade. Heureusement, nous avions une très bonne cohésion entre camarades. Une semaine avant l’attaque de la brigade, il y a eu des signes précurseurs. Des véhicules effectuaient des coups de sonde. Lorsque l’attaque est survenue, je ne dormais pas. J’étais au téléphone avec mon meilleur ami. À 00 h 35, j’ai entendu un bruit fracassant. Le camion venait d’enfoncer le premier portail. Je suis sorti du bâtiment et j’ai vu des individus avec des objets dans les mains, que je ne parvenais pas à distinguer en raison de l’épaisseur de la nuit. Le camion s’est enflammé. Nous avons procédé à des injonctions et à des tirs de grenades. Nous avons réussi à les repousser. Le GIGN et l’antenne-GIGN ont été engagés. C’était une situation tendue mais incroyable à vivre. C’était extraordinaire de voir ces unités spécialisées travailler. Au cours de cette période, j’aurai probablement sorti mon arme plus de fois que dans tout le reste de ma carrière. »
« Les débuts ont été difficiles, confirme Daryl. Nous avons su que nous ne pouvions plus prendre de repos ni de permissions. Nous étions entassés au sein de la brigade, nous n’avions plus d’intimité. Alors que j’effectuais une patrouille en véhicule blindé avec plusieurs de mes camarades, nous nous sommes fait tirer dessus par des membres d’une tribu. Les relations avec les habitants sont devenues compliquées. Ils étaient particulièrement hostiles. La nuit de l’attaque de la brigade, je dormais et j’ai entendu crier. Nous conservions tous nos pistolets et nos armes d’épaule à portée de main. Je suis sorti au niveau du portail et j’ai vu le camion prendre feu. Mes camarades ont occupé les postes de combat et je suis venu renforcer le poste situé à l’entrée de la brigade. Nous avons repoussé l’adversaire afin d’éteindre l’incendie et de remettre le premier portail en place. Les jours suivants, nous avons peu dormi. Les attaques se sont répétées et nous montions les postes de garde à deux. Lors de l’attaque, je n’ai pas eu peur. Avec l’effet tunnel, je ne pensais qu’à défendre la caserne et mes camarades. On se faisait confiance les uns les autres. Je ne pensais pas être confronté à une telle situation dans ma carrière. » 

vue de l'intérieur d'une pièce aux feniêtres grillagées dont les bords sont surmontés de sacs de sable
© SIRPA-G - MDC B. Lapointe

Une connaissance essentielle du terrain et de la population

Alors que la situation se normalise progressivement, la brigade peut compter sur Max et Daryl pour recréer du lien avec la population. Originaires de la Grande Terre, ils disposent de connaissances et des codes qui facilitent les interactions avec les habitants.
« Ma famille habite au Mont-Dore, précise Max. En raison des événements, je ne l’ai pas vue depuis cinq mois. Ici, j’utilise le langage local, ce qu’on pourrait appeler la parole calédonienne. Il s’agit d’un langage presque familier. Les habitants nous identifient alors comme des locaux. Notre attitude leur permet également de savoir que nous sommes originaires d’ici, cela facilite les échanges. Voir que l’on s’arrache les uns les autres alors qu’il y a un an nous étions tous liés, c’est compliqué. J’ai vécu les différents référendums d’indépendance, mais je n’avais jamais connu ça. »
« Ma famille est répartie entre Nouméa et La Foa, explique Daryl. Je pense que c’est un avantage d’être originaire de Nouvelle-Calédonie, car nous connaissons mieux l’adversaire, ce qui permet d’apaiser des situations dans certains cas. Le lien est plus facile lorsque le gendarme est né ici que lorsqu’il vient de métropole. »

un gendarme adjoint volontaire de la gendarmerie à gauche de la photo, la main gauche posé sur l'avant d'un véhicule, regarde légérement à gauche. Derrière à gauche, un plan d'eau et à droite de la végétation
© SIRPA-G - MDC B. Lapointe

Le dessein de poursuivre en gendarmerie

Forts de leurs qualités et de l’engagement qu’ils ont connu, Max et Daryl sont déterminés à poursuivre leur carrière en gendarmerie en tant que sous-officier.
« J’ai commencé une licence option accès santé avant de me reconvertir dans le commerce, détaille Max. Néanmoins, mon métier ne me plaisait pas. Je souhaitais que celui-ci soit dynamique et qu’il m’offre la possibilité de bouger et de faire du sport. J’ai donc intégré la gendarmerie en tant que gendarme adjoint volontaire. Les GAV servant en brigade isolée disposent d’une autonomie plus importante qu’en métropole et de nombreuses qualifications. Je suis en effet habilité à conduire un véhicule blindé, à utiliser un fusil à pompe ou encore des grenades à main. La gendarmerie me permet d’exercer un métier d’action, de bénéficier d’un cadre militaire, alors qu’avant j’avais par exemple du mal à me réveiller, et enfin, elle me permet d’améliorer mon expression orale et écrite. J’ai passé les écrits du concours de sous-officier le 25 septembre dernier. Je voudrais pouvoir servir en gendarmerie mobile, en raison des missions qui me correspondent plus. Mais si cela n’est pas possible, je ne renoncerai pas pour autant au bénéfice du concours et j’irai servir en gendarmerie départementale. Je suis excité à l’idée de quitter la Nouvelle-Calédonie et de découvrir la métropole. Après la situation à laquelle nous avons été confrontés, c’est vraiment une grande motivation d’être gendarme désormais. J’essaie de me surpasser tous les jours. »
« Le fait d’être GAV m’a permis de découvrir le métier de gendarme, complète Daryl. J’ai eu la chance de pouvoir travailler aux côtés du GIGN, ce qui a confirmé mon envie de devenir sous-officier. J’ai passé les écrits du concours en même temps que Max. Au cours des événements, nous avons eu à effectuer des missions semblables à celles dédiées aux escadrons. Ces derniers mois, nous avons été renforcés par des gendarmes mobiles, avec lesquels nous avons pu échanger. Les déplacements qu’ils font sont très enrichissants. Ça nous pousse à faire comme eux. C’est pourquoi je souhaiterais pouvoir rejoindre cette subdivision d’arme. Je redoute un peu le fait d’être loin de ma famille et de mes amis. Je ne connais pas la métropole. Partir et tout laisser, c’est un peu difficile, mais ça fait partie du jeu. »

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