Entretien avec le général de division Laurent Phélip, chargé de mission en charge des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024

  • Par Antoine Faure
  • Publié le 26 juillet 2024
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Nommé chargé de mission du Directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), en charge des grands événements et des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, après avoir notamment commandé le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), de 2017 à 2020, puis dirigé le Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire (CoSSeN), de 2020 à 2023, le général de division Laurent Phélip présente l’engagement de la gendarmerie pour cet événement planétaire, à quelques heures de la cérémonie d’ouverture.

Mon général, quel est votre rôle en tant que chargé de mission en charge des grands événements et des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ?

En synthèse, il s’agit pour moi de faire en sorte que toute la préparation de la gendarmerie nationale pour cet événement, dans l’ensemble des domaines et non celui de la seule planification des opérations, obéisse aux orientations générales du général d’armée Christian Rodriguez, Directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN). Ainsi, lorsqu’il me confie cette mission, il fixe trois objectifs opérationnels principaux et quelques lignes directrices.

Le premier est d’assurer la sécurisation des sites olympiques sous la pleine responsabilité de la gendarmerie, à savoir celui de Teahupo'o, en Polynésie française, où auront lieu les épreuves de surf, celui de Châteauroux, attribué à la gendarmerie, où se dérouleront les épreuves de tir, ainsi que l’ensemble des zones d’entraînement et lieux d’hébergement situés en zone gendarmerie.

Le deuxième objectif, et le principal, est d’appuyer au mieux la Préfecture de police (P.P.), sur l’Île-de-France, et de générer les forces nécessaires à cette manœuvre d’ampleur.

Enfin, il fallait faire en sorte que les autres territoires ne soient pas désertés par cet envoi de forces sur la région parisienne, afin que la saison estivale se passe dans les meilleures conditions, tout en appuyant, là où elle avait besoin de renforts, la police nationale dans les autres départements hôtes des Jeux.

À cela s’ajoutent des objectifs plus stratégiques, de cohésion interne et de contrôle des dépenses, ou liés à l’image que doit donner la gendarmerie pendant ces Jeux, et l’héritage pour la suite, notamment en termes de recrutement. On n’aura jamais vu autant de gendarmes, mobiles comme départementaux, dans Paris !

Lorsque je prends mes fonctions, en février 2023, la Direction des opérations et de l’emploi (DOE) a déjà bien avancé sur la planification de cette manœuvre. Il avait été décidé de ne pas constituer d’équipe dédiée aux JOP à la DGGN, mais de continuer à fonctionner avec des personnels, au sein des directions et services, ayant cet événement parmi leurs différentes attributions. Le mouvement s’est accéléré avec notamment la mise en place d’un comité stratégique mensuel, présidé par le DGGN ou le MGGN (Major Général de la Gendarmerie Nationale), et dont il m’appartenait que soient mises en œuvre les orientations y étant données.

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Comment la gendarmerie a-t-elle travaillé avec la Préfecture de police et la Police nationale pour la répartition des forces ?

Nous avons l’habitude de travailler avec la P.P. car, tous les jours, des Escadrons de gendarmerie mobile (EGM) sont employés à son profit. Mais c’est bien sûr l’ampleur de la manœuvre qui change, avec des missions très variées, plusieurs enceintes sportives, mais aussi des lieux touristiques transformés en lieux de compétition, et une cérémonie d’ouverture gigantesque. C’est un défi très différent de tenir les entrées et les sorties d’un stade et de sécuriser sept kilomètres de rive fluviale, en contrôlant aussi ce qui se passe dans les airs, sur l’eau, sous l’eau…

Dans un premier temps, la P.P., maîtrisant les particularités du terrain parisien, a exprimé des besoins génériques en termes d’effectifs, que nous nous sommes efforcés, dans le cadre d’une excellente collaboration avec nos interlocuteurs de la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) et la Direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP), de traduire en blocs missionnels ou géographiques cohérents. Une fois ce travail réalisé, la répartition a pu se faire de manière harmonieuse entre gendarmerie et police.

Ainsi, dans le champ missionel, la gendarmerie permet à la P.P. de multiplier par trois sa présence sur le réseau de la RATP, quand la police s’investit, elle, en renfort de la police judiciaire.

La gendarmerie s’est ensuite vu confier la sécurisation périmétrique de 28 sites olympiques en Île-de-France, dont des sites emblématiques de l’hypercentre parisien, transformés pour l’occasion en enceinte sportive ou festive (Champ de Mars, place de la Concorde, Trocadéro…). Sur chacun de ces sites, sous l’autorité d’un commissaire territorialement compétent, un officier supérieur de gendarmerie commande l’ensemble des gendarmes engagés. La mission consiste à faire respecter trois périmètres : l’un à proximité immédiate du site olympique ou paralympique, au sein duquel seuls les spectateurs ou les personnels accrédités peuvent pénétrer ; un deuxième interdit à la circulation automobile, sauf dérogation spécifique ; un dernier, plus large, au sein duquel la circulation motorisée est régulée afin de permettre sa réduction et sa déviation.

Ensuite, il y a ce qu’on appelle les missions abords, qui consistent à sécuriser l’arrivée des spectateurs sur le dernier kilomètre, schématiquement entre la dernière station de métro et le site de compétition.

Enfin, les missions tourisme sont destinées à sécuriser les lieux touristiques situés en dehors des lieux de compétition. La gendarmerie aura en charge une vaste zone s’étendant sur la rive gauche, du musée d’Orsay jusqu’au 15e arrondissement, mais aussi le Trocadéro et les Champs-Élysées, quand la police sera présente notamment dans le centre et l’est parisien et autour de Montmartre.

La police et la gendarmerie se sont également réparti les blocs spécialistes, notamment les motocyclistes pour les escortes et les missions de circulation. La gendarmerie, qui en compte environ 3 000 dans ses effectifs, en fait monter 700 à Paris.

Concernant la Lutte anti-drone (LAD), un important dispositif a été mis en place sous la responsabilité des armées, complété par le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, et principalement par la gendarmerie qui, disposant d’opérateurs LAD en nombre, sécurise 28 des 32 sites olympiques, parfois avec des détecteurs et des brouilleurs mis à disposition par la P.P., qui elle se consacre uniquement au pilotage de drones. Bien d’autres spécialistes ont été mobilisés, en amont des JOP pour s’assurer de la sécurité des sites (équipes cynophiles, EOR, spécialistes NRBC), ou pendant les JOP eux-mêmes (GIGN, équipes équestres, cyber-enquêteurs…).

 

 

Bien entendu, la Région de gendarmerie d’Île-de-France a été étroitement associée, dès le départ, à ce travail de planification. À présent que nous sommes entrés, depuis la mi-juin, dans le vif du sujet, avec l’arrivée des premières forces permettant de sécuriser la capitale, le général de corps d’armée Xavier Ducept, Commandant des forces de gendarmerie (COMFORGEND) engagées en Île-de-France, conduit la manœuvre d’ensemble.

 

 

À l’échelon central, sont organisées désormais chaque jour deux réunions de pilotage des JOP, auxquelles le DGGN ou son représentant participe, et qui peuvent souligner l’action du contingent de gendarmes déployé en Île-de-France ou celle conduite par les échelons territoriaux de commandement dans les huit autres départements olympiques et à Tahiti.

Sur le terrain, en Île-de-France principalement, les forces de gendarmerie seront donc constituées d’Escadrons de gendarmerie mobile (EGM), d’unités de spécialistes, mais aussi de Compagnies de marche (CdM) de gendarmerie départementale. Comment ont-elles été organisées ?

Ce n’est pas la première fois, puisqu’en 2019, lors du sommet du G7, à Biarritz, deux compagnies de marche avaient été créées. Mais, cette fois, ce sont 50 à plus de 120 Compagnies de marche (CdM), composées de militaires venus de tous les Groupements de gendarmerie départementale (GGD), qui renforcent les 15 compagnies de marche d’Île-de-France et la soixantaine d’EGM. Avec aussi, pour les pics lors des trois week-ends, des compagnies de marche de l’administration centrale.

Ces unités ont été constituées sur la base du volontariat. Elles sont composées de 72 gendarmes départementaux, afin d’en avoir toujours 60 sur le terrain, avec un roulement pour permettre la récupération physiologique nécessaire. Chaque zone a contribué, même si celles qui étaient déjà fortement impactées par les Jeux, comme les Régions de gendarmerie de Provence-Alpes-Côte d’Azur ou des Hauts-de-France, ont été proportionnellement préservées. Par ailleurs, aucun gendarme ultramarin n’a été détaché. Ces CdM comptent également en leur sein de nombreux élèves sous-officiers et officiers, sur des fonctions d’encadrement pour ces derniers.

Elles sont organisées sur le même principe que les EGM lorsqu’ils sont en déplacement, avec des Groupements tactiques de gendarmerie (GTG) regroupant plusieurs unités. Les premières CdM sont arrivées après le 14 juillet. Le dispositif est monté en puissance au fil des jours.

Si la manœuvre opérationnelle met en œuvre, certes à une échelle conséquente, des savoir-faire connus et maîtrisés par les gendarmes composant les CdM, la manœuvre logistique est, en revanche, un défi inédit. Il a fallu l’anticiper très en amont et, en renfort de la seule Région Île-de-France, cela nous aura contraints à mobiliser près de 500 personnels du Corps de soutien technique et administratif (CSTAGN) ou de l’Agence du numérique des forces de sécurité intérieure (ANFSI) pour les missions de soutien du personnel ou des matériels.

 

 

L’objectif de ce déploiement est d’être très présent sur le terrain, afin de pouvoir parer à toute éventualité. Les risques et les menaces sont nombreux. Pour pouvoir être dissuasif et réagir rapidement, il faut donc être en nombre, tout en conciliant cette présence avec le caractère festif des JOP, car la gendarmerie participe aussi à la fête.

Finalement, mon général, le « tous concernés, tous impliqués » qui avait été la ligne directrice de la mobilisation de la gendarmerie dès le départ n’aura pas été qu’un slogan ?

Effectivement. Outre que tous auront vu leurs périodes de congés restreintes pour pouvoir répondre aux trois objectifs évoqués, c’est, avec un socle d’environ 12 000 gendarmes engagés sur l’Île-de-France, sans doute une partie très importante des gendarmes de métropole qui connaîtront les Jeux Olympiques, ou Paralympiques, à Paris.
Ceux qui n’auraient pu participer ainsi aux JOP le font indirectement, soit en compensant le Dispositif de protection estivale des populations (DEPP), soit, pour les gendarmes mobiles, en rejoignant les forces engagées en Nouvelle-Calédonie.

L’administration centrale, les formations de la plaque parisienne et les états-majors de province auront également contribué à la manœuvre.

Les uns, en orientant leurs capacités spécifiques sur les menaces spécifiques aux JOP : le GIGN bien sûr, mais aussi les gendarmeries spécialisées, particulièrement la Gendarmerie des transports aériens (GTA), le COMCYBER MI et l’Unité nationale cyber (UNC), le Commandement pour l’environnement et la santé (CESAN), l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité et les crimes de haine (OCLCH), et j’en oublie.

Les autres, en contribuant à l’armement des différentes structures centrales mises sur pied pour les JOP, pour certains gendarmes dès les premiers jours du Relais de la Flamme : le Centre national de commandement stratégique (CNCS), place Beauvau, placé sous la direction du MIOM, organisme interministériel mis en place afin d’analyser, de synthétiser et de transmettre toutes les informations reçues sur le déroulement des Jeux en termes de sécurité, où sont présents des Officiers de liaison (ODL) de la gendarmerie ; le Centre de coopération internationale (CCI), avenue de Ségur, où sont regroupés tous les ODL des pays étrangers, avec, à leurs côtés, deux ODL de la gendarmerie nationale ; le Centre national des opérations (CNO) de la DGGN, et bien entendu, l’ensemble des salles de commandement ou de coordination de la P.P. et des préfectures des départements hôtes des épreuves.

Incontestablement, cette « manœuvre du siècle » aura été pour chacun, où qu’il soit, l’occasion de contribuer à l’image d’une gendarmerie nationale engagée et au service des populations, alors que les regards de tous se portent sur notre pays. Que chacun en soit remercié !

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