Guyane : entretien avec le capitaine Simonet, commandant de la gendarmerie isolée de Maripasoula

  • Par le capitaine Tristan Maysounave
  • Publié le 28 juin 2024
Le capitaine Simonet.
© GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

Le capitaine Éric Simonet commande la Communauté de brigades (CoB) de Maripasoula depuis le 1er août 2020. À quelques semaines de quitter ses fonctions, il dresse un premier bilan d’une affectation exceptionnelle.

Les brigades de proximité de Maripasoula et de Papaichton forment la Communauté de brigades (CoB) de Maripasoula. En raison de son implantation géographique et de ses difficultés d’accès, celle-ci fait partie des unités isolées de la gendarmerie. Située en Amazonie, au cœur de l’Amérique du Sud, elle est en effet uniquement accessible par voie aérienne ou par voie fluviale, après de longues heures de pirogue depuis Saint-Laurent-du-Maroni. Cette unité est commandée par le capitaine Éric Simonet, tout autant passionné par son métier que par le territoire guyanais.

Mon capitaine, pouvez-vous présenter votre parcours ?

Originaire du nord-est de la France, je sers en gendarmerie depuis 38 ans. J’ai commencé en 1985 en tant que gendarme auxiliaire à Fontainebleau (Seine-et-Marne), puis au Peloton d’autoroute de Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes). En 1987, j’ai intégré l’École de gendarmerie de Châtellerault (Vienne) afin d’y suivre ma formation de sous-officier. J’ai ensuite été affecté à l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) 43/2 d'Ussel pendant six ans. En 1993, j’ai effectué un changement de subdivision d’arme (CSA) me conduisant à servir en gendarmerie départementale. Après plusieurs affectations, à L’Absie (Deux-Sèvres), Raon-l’Étape (Vosges), Gondrecourt-le-Château (Meuse) et Darney (Vosges), j’ai passé le concours d’Officier de gendarmerie issu du rang (OGR) en 2010. J’ai suivi la formation à l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN), avant d’intégrer l’École de gendarmerie (E.G.) de Chaumont (Haute-Marne) en qualité de lieutenant commandant de peloton, puis de commander la CoB de Luynes en Indre-et-Loire.

J’ai rejoint la Guyane en 2020 afin de prendre la tête de la CoB de Maripasoula. Inscrit au tableau d’avancement au grade de chef d’escadron, je serai muté en tant que commandant en second de la compagnie de gendarmerie de Saint-Dizier (Haute-Marne) le 1er août prochain, avant de prendre ma retraite en 2025.

Qu’est-ce qui rend la Communauté de brigades de Maripasoula si singulière ?

La circonscription présente des proportions hors du commun. À titre d’exemple, la commune de Maripasoula fait deux fois la superficie de la région parisienne, mais se caractérise aussi par la plus faible densité de population, avec 12 000 habitants. Il me faut dix jours pour en faire le tour. Le littoral de la Guyane est européanisé, mais ce n’est pas du tout le cas de Maripasoula, qui est cosmopolite. Au moins dix nationalités coexistent. Les peuples majoritaires sont les Bushinengués et les Amérindiens, particulièrement attachés à leurs chefs coutumiers et à leurs traditions. L’environnement comme le climat sont également particuliers ici. Une partie de la circonscription n’est ainsi accessible que par une piste ou en pirogue. Cet isolement s’accroît d’autant plus pendant la saison des pluies, au cours de laquelle la piste devient impraticable. L’humidité et la chaleur mettent également les organismes à rude épreuve.

Pourquoi avoir demandé à prendre le commandement de cette unité ?

Je souhaitais découvrir le quotidien d’une brigade isolée. Mon épouse travaille dans le domaine médical et pouvait donc facilement retrouver du travail. Lorsque nous avons su que j’étais muté à la CoB de Maripasoula, nous avons regardé une carte. Je me souviens m’être dit que cette unité était quand même très isolée. Malgré notre entourage qui nous déconseillait d’accepter, nous avions envie de tenter l’aventure. Nous ne regrettons pas notre choix. Nous ne sommes pas rentrés en métropole depuis 2020, car nous souhaitions approfondir notre connaissance de la Guyane et de sa population pendant nos vacances. Je serai muté cet été, après avoir connu une expérience de vie extraordinaire.

En quoi l’engagement des gendarmes de cette unité est-il particulier ?

Le climat, l’isolement et l’environnement de la forêt équatoriale sont autant de spécificités. Nous n’avons pas ici le confort informatique ou téléphonique de la métropole et nous devons faire face à de nombreuses coupures d’électricité, ce qui nous oblige à nous adapter en permanence et à faire preuve d’autonomie. Ici, le gendarme doit savoir tout faire, être mécanicien, bricoleur, huissier, livreur de carburant, takariste (positionné à l’avant de la pirogue, celui-ci a pour rôle de sonder la rivière et d'indiquer au piroguier les hauts-fonds, NDLR), etc., tout en changeant ses habitudes alimentaires par exemple.

 

Par ailleurs, nous avons créé une mission mensuelle de Police de sécurité du quotidien (PSQ). Ainsi, une fois par mois, nous nous rendons plusieurs jours dans les villages amérindiens les plus reculés d’Amazonie. Nous revenons à l’essence même de notre métier qu’est le contact. Nous rencontrons les gens et échangeons avec eux afin de les comprendre. Cette mission est atypique et exige de la rusticité. En effet, les villages ne disposent souvent ni d’électricité ni d’eau courante. Nous dormons dans des hamacs et nous nous lavons dans le Maroni. Il faut donc être capable de se retrouver dans des conditions précaires, celles que connaissent les populations de ces villages au quotidien. Cette mission exceptionnelle fidélise les gendarmes affectés à l’unité.

 

Qu’auriez-vous envie de dire aux gendarmes qui hésiteraient à demander leur affectation à la CoB de Maripasoula ?

Servir dans cette unité, c’est connaître une aventure hors du commun. Cette affectation est capable d’apporter tout ce qu’on ne trouve plus en métropole, qu’il s’agisse du lien avec la nature, de la déconnexion et de l’aventure. Les gendarmes de l’unité disposent d’une véritable capacité d’initiative et vivent des missions qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Nous utilisons la pirogue comme les gendarmes de métropole montent dans leurs véhicules d’intervention. Nous réalisons des patrouilles en quad, nous effectuons des séjours prolongés en forêt dans le cadre de la Lutte contre l’orpaillage illégal (LCOI), nous prenons l’avion afin de nous rendre à la compagnie effectuer notre séance de tir annuelle ou passer notre visite médicale, etc. Les missions de PSQ permettent de retrouver l’authenticité du métier.

Pour ceux qui nous liraient, je veux les convaincre qu’il n’y a pas d’inquiétude à avoir et que nous nous adaptons parfaitement au territoire, en mettant en œuvre des méthodes de travail différentes de celles de la métropole. Les découvrir ne pourra que les enrichir.

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