J.O. de Paris 2024 : Marjorie Delassus pagaie pour le titre

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 24 mai 2024
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Quatrième de l’épreuve de canoë slalom il y a trois ans, aux Jeux de Tokyo, Marjorie Delassus aborde ses seconds Jeux avec détermination et l’ambition affichée de se hisser cette fois sur le podium. C’est sur la base de Vaires-sur-Marne, site des futures épreuves olympiques de Paris 2024, où elle s’entraîne quotidiennement, que nous l’avons rencontrée.

Le 12 octobre 2023, la Fédération française de canoë-kayak (FFCK) dévoilait les quatre premiers noms de sa délégation tricolore. Parmi eux, le maréchal des logis (MDL) Marjorie Delassus, Sportive de haut niveau de la Défense-Gendarmerie (SHNDG) depuis février 2021, qui se voit ainsi sélectionnée pour les seconds Jeux de sa carrière en canoë slalom (C1). Un ticket qu’elle doit à ses performances la saison passée, lors des championnats du Monde de Lee Valley, au Royaume-Uni, et de la manche de coupe du Monde disputée à Vaires-sur-Marne.

Marjorie Delassus pagayant sur u ncours d'eau, regardant l'objectif, dans un canoé noir floqué de son nom et du logo de l'Armée de champions
© GD F. FERROLI

Retour de blessure : une sélection dans la douleur

Pourtant Marjorie revient de loin. Après sa 4place aux Jeux de Tokyo en 2021, « un résultat hyperimportant » pour la jeune céiste, alors âgée de 23 ans, s’ensuit une « super saison 2022 », vécue avec « beaucoup d’envie et d’énergie à l’issue des Jeux », et surtout marquée par ses premières grosses performances chez les seniors, avec des médailles en coupe du Monde et le titre de vice-championne d’Europe.

Mais l’année 2023 s’annonce plus compliquée. Au cours de l’hiver, l’athlète se blesse lors d’un accident de ski. Le couperet tombe : les ligaments croisés sont touchés ! Une blessure qui ouvre la porte à une période de remise en question quant à sa préparation et surtout sa qualification pour les Jeux de Paris (2023 étant l’année sélective pour la FFCK, NDLR). « C’était une année avec beaucoup d’enjeux, confie la sportive. En 2020, j’étais un peu l’outsider, la petite montante pleine d’énergie et d’envie. Là, j’avais vraiment ce statut de leader français, et ce n’était plus la même pression. Il y a eu beaucoup de doutes, des hauts et des bas, avec des courses difficiles et des résultats en deçà de mes attentes. Je parviens néanmoins à me sélectionner à l’issue de la saison, mais un peu dans la douleur, même si les deux échéances ciblées pour la sélection olympique se terminent sur une note plus positive, avec une finale et une 10e place aux Mondiaux, où je décroche le quota pour la France, puis une 4e place lors de la coupe du Monde ici, à Vaires, avec un très beau chrono, mais des petites pénalités qui me coûtent le podium. »

De son propre aveu, cette année difficile lui permet d’apprendre beaucoup sur elle-même : « même si ça n’a pas toujours été facile, ça a été une année hyper riche sur ce plan, et je pense que ça me servira énormément pour la suite de ma carrière. Maintenant, les compteurs sont remis à zéro. »

Marjorie Delassus dans un cours d'eau en entraînement de canoë kayak dans une embarcation noire, floquée de son nom et du drapeau français.
© GD F. FERROLI

Entraînement olympique

Avec désormais en poche son ticket pour les J.O. de Paris, Marjorie peut se concentrer pleinement sur sa préparation : « C’est un gros avantage pour nous de le savoir longtemps en amont. Ça nous permet de basculer d’une année sélective, où la concurrence est rude entre Français, puisqu’il faut tirer son épingle du jeu (en canoë-kayak, il n’y a qu’une place par catégorie, NDLR), à la véritable phase de préparation. On peut ainsi anticiper les choses, se préparer au mieux, gérer tout ce qui nous tombe dessus, comme les médias, car notre sport est habituellement très peu mis en lumière. Ça nous change beaucoup d’être autant sollicités par les différents partenaires, les nôtres, ceux de la fédé, les journaux un peu locaux, ou encore les interventions dans les écoles… Mais maintenant je suis obligée de commencer à trier, parce que tout ça prend beaucoup temps et d’énergie… »

L’autre avantage pour les Français est de pouvoir s’entraîner sur le stade nautique de Vaires-sur-Marne, qui accueillera les épreuves d’aviron et de canoë-kayak lors des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, quand bien même le parcours olympique restera secret jusqu’à la veille de l’épreuve.

« Le parcours sera mis en place la veille au soir. Nous pourrons alors observer les ouvreurs effectuer une démonstration depuis le bord du bassin. Cela va nous permettre de visualiser et d’analyser les trajectoires et les options qu’on pourra prendre sur les portes, comment négocier les figures, placer le bateau… Puis le jour J, ce sera du one shot pour tout le monde, explique l’athlète. C’est donc une vraie plus-value de s’entraîner sur le site Olympique, surtout dans notre discipline, où bien connaître la rivière est important : savoir comment fonctionnent les courants, les vagues… Même si c’est cyclique, que l’eau change tout le temps et qu’il faut s’adapter en permanence, plus on connaît le bassin par cœur mieux c’est, cela évite les grosses surprises. L’enchaînement sera sûrement nouveau, mais je pense que j’aurai déjà essayé la plupart des figues imposées. Pour autant, il ne faut pas tomber dans des automatismes ou se laisser piéger par les habitudes. Mais personnellement, je le vois davantage comme un point positif. Ça me donne confiance de savoir que c’est un peu mon jardin. Et psychologiquement, ça nous donne aussi un ascendant sur nos concurrents étrangers, qui n’ont que ponctuellement accès au site. »

Marjorie Delassus dans un cours d'eau en entraînement de canoë kayak dans une embarcation noire, floquée de son nom et du drapeau français.
© GD F. FERROLI

Deux à trois entraînements quotidiens, 6 jours sur 7

Après deux mois d’hiver dans l’hémisphère sud, Marjorie est de retour en région parisienne. Il est tout juste 9 heures en cette froide matinée de début avril. La pluie vient de cesser, laissant derrière elle un ciel chargé et menaçant. Comme tous les jours, du moins six jours sur sept, et ce quel que soit le temps, la jeune femme, casque sur la tête, harnachée dans son gilet de sauvetage, se dirige d’un pas déterminé vers le bassin d’entraînement de Vaires-sur-Marne, canoë sous le bras et pagaie en main.

Sur l’eau, la ceiste rejoint sa partenaire d’entraînement, Camille Prigent, sélectionnée quant à elle en kayak (K1). Elle commence par quelques allers-retours entre les portes de la zone d’échauffement, avant de se diriger vers le parcours d’eau vive pour une heure de « loops » (boucles), afin de travailler le « physio ». Après un rapide briefing avec son entraîneur, Nicolas Labat, qui lui fixe les axes d’efforts pour cette séance, elle lance son canoë dans les eaux tumultueuses, le regard déterminé, négociant chaque porte, chaque courant, chaque vague... Pendant une heure elle va ainsi enchaîner les tours sans s’arrêter, à l’exception de la transition à pied, canoë sous le bras, entre le bassin d’arrivée et le point de départ…

Elle nous rejoint après une rapide douche, avec toujours autant d’énergie, annonçant d’entrée, la voix enjouée : « Là, je retourne à l’eau cette après-midi ». Son programme comprend généralement deux ou trois entraînements de une heure à 1 h 30 chacun dans la journée, soit une vingtaine d’heures par semaine, sur eau calme ou vive, mais aussi dans la salle de musculation du pôle.

« Avec mon entraîneur et le staff, nous avons élaboré un programme pour être fin prêts le jour J, et toute notre vie est un peu organisée autour de ça », confie-t-elle. Des séances variées, organisées en blocs spécifiques, avec « de grosses périodes de bateau, comme cet hiver, où on a fait énormément de volume sur l’eau, beaucoup de séances techniques, du travail sur les points faibles, etc. », et d’autres séquences plus physiques. « Depuis notre retour en France, nous sommes sur un bloc physique, avec beaucoup de muscu, trois ou quatre fois par semaine, de physio, du fractionné en bateau, parfois en course à pied, explique-t-elle. Puis, plus on va se rapprocher de l’échéance, plus on va être sur une phase d’affûtage. Il y a forcément beaucoup de travail en eau vive, mais aussi en eau calme, pour travailler la technique, la précision, un peu comme un musicien qui répète ses gammes. »

Le canoë est en effet un sport très technique et physique, qui engage les bras évidemment, mais qui demande aussi énormément de gainage pour tenir le bateau. « Pour s’économiser le plus possible, il faut privilégier la technique plutôt que le physique. Il faut utiliser au mieux l’eau et l’équilibre du bateau à travers la pression que l’on met sur la coque. Mais cela dépend du style de navigation, certains athlètes très puissants physiquement vont tout mettre sur les bras », explique Marjorie.

Si 90 % de son temps est consacré au canoë, elle continue de pratiquer le kayak, d’une part pour le plaisir, parce que « c’est un peu mon équilibre, je sens que j’en ai besoin ». Et d’autre part pour conduire des séances très « physio », car « il est plus facile de se mettre dans le rouge physiquement avec le kayak ».

Marjorie Delassus dans un cours d'eau en entraînement de canoë kayak dans une embarcation noire, floquée de son nom et du drapeau français.
© GD F. FERROLI

Objectif : la médaille !

Les épreuves olympiques de canoë-kayak débuteront le 27 juillet prochain. Marjorie affrontera le parcours olympique les 30 et 31 juillet, avec face à elle pour le titre, entre autres, la leader mondiale, l’Australienne Jessica Fox, championne olympique en titre à Tokyo, l’Anglaise Mallory Franklin, championne du Monde en titre, sans oublier les céistes allemandes ou encore tchèques… Son objectif après son galop d’essai à Tokyo ? Rien de moins qu’une médaille bien sûr !

« Je m’étais préparée pour Tokyo, mais comme je le disais, je n’étais pas favorite, mon objectif, c’étaient déjà les Jeux de Paris. Ce serait difficile de se satisfaire de moins que cette 4e place », admet-elle, sans toutefois vouloir griller les étapes : « j’ai encore beaucoup de boulot : il va d’abord falloir se qualifier, passer en demi-finales, puis en finale, avant de prétendre à une médaille… Mais je sais que je suis capable d’aller la chercher. »

Forte de son expérience Olympique, Marjorie sait qu’il lui faudra gérer tout ce qui gravite autour de cette compétition hors norme, d’autant plus à domicile : « Les Jeux, c’est tellement particulier. Beaucoup de choses vont dépendre de la manière dont chaque athlète va gérer l’engouement et la pression qu’ils suscitent. Pour ma part, je me sens hyperchanceuse en tant que sportive de vivre ces Jeux à la maison, de représenter la France et la gendarmerie. J’ai le sentiment d’être au bon endroit au bon moment. Alors j’ai vraiment envie de vivre pleinement chaque course, de réussir à m’exprimer sur l’eau comme je l’ai décidé, et si j’arrive à mettre tout ça en place et à respecter la navigation qu’on a définie avec mon entraîneur, j’ose espérer que le résultat suivra… »

Marjorie Delassus dans un cours d'eau en entraînement de canoë kayak dans une embarcation noire, floquée de son nom et du drapeau français.
© GD F. FERROLI

En lice pour le kayak cross

Si l’objectif principal de Marjorie reste focalisé sur le canoë, le kayak-cross, qui fait son entrée parmi les disciplines olympiques cette année, pourrait lui permettre de prétendre à une seconde médaille. Victorieuse le 30 mars dernier à Vaires-sur-Marne, lors de la Coupe de France, l’athlète espère bien décrocher sa sélection. Réponse en juin prochain…

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