Les gendarmes coupent la communication de milliers de criminels
- Par Antoine Faure
- Publié le 03 juillet 2020
Le démantèlement du réseau mondial de communications chiffrées, baptisé EncroChat, donne un grand coup de pied dans la fourmilière du crime organisé. Le Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) de la gendarmerie nationale était en première ligne dans cette enquête.
À une lettre près, EncroChat se serait appelé EscroChat. Le nom aurait été plus judicieux si l’on considère que plus de 90 % des utilisateurs ce réseau de communication sécurisée se livraient à des activités criminelles !
Dès 2017, des téléphones EncroChat sont détectés par l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN). Une enquête préliminaire est ouverte en novembre 2018 et, en décembre, le parquet de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Lille confirme la saisine du Centre de lutte contre les criminalités numériques (C3N) de la gendarmerie nationale.
Les investigations des gendarmes vont permettre de constater que cette solution de communication chiffrée illégale est mise en œuvre depuis des serveurs installés en France, et de réunir des éléments sur son fonctionnement technique.
Les téléphones sont entièrement modifiés, privés de micro, de caméra, de système GPS et de port USB. Ils sont vendus au prix de 1 000 euros, avec un abonnement un peu plus cher que ceux des honnêtes gens : 1 500 euros pour six mois, avec une couverture mondiale et une assistance téléphonique 24 heures/24 et 7 jours/7.
EncroChat promet « un anonymat total » à ses utilisateurs et des conditions d’acquisition intraçables, garantissant une « impunité parfaite » en cas d’arrestation ! Bref, un service idéal pour le crime organisé. Début 2020, le nombre de téléphones actifs de ce type est estimé à 50 000 dans le monde, dont 12 000 aux Pays-Bas.
Le 10 avril 2020, une Équipe commune d’enquête (ECE) est créée entre les autorités saisies en France et aux Pays-Bas, sous l’égide de l’Unité de coopération judiciaire de l'Union européenne EUROJUST. Une information judiciaire est ouverte le 28 mai par la JIRS de Lille.
Plus de 100 millions de messages interceptés
La gendarmerie engage des moyens matériels et humains considérables. La cellule nationale d’enquête créée le 15 mars 2020 au sein du C3N est renforcée par des enquêteurs aguerris issus des Sections de recherche (S.R.) de toute la France et des quatre offices centraux (OCLTI, OCLAESP, OCLDI, OCLCH). Au total, ce sont 60 gendarmes qui travaillent à plein-temps sur ce dossier. Plus de 100 millions de messages échangés par les criminels sont interceptés.
Le 13 juin, le réseau alerte ses clients qu’il a été infiltré par des entités gouvernementales. Trop tard pour les criminels… Le démantèlement d’EncroChat est annoncé jeudi 2 juillet par la procureure de Lille, Carole Étienne, le sous-directeur de la police judiciaire de la gendarmerie nationale, le général de division Jean-Philippe Lecouffe, et le procureur général néerlandais, John Lucas.
De très nombreuses opérations d’interpellation ont déjà été menées ou sont en cours et, selon les autorités, les investigations effectuées ont déjà permis d’empêcher que soient commis des dizaines d’actes violents, parmi lesquels des enlèvements, des fusillades et des meurtres.
Les prochains appels que passeront les criminels le seront depuis leur prison. Et ils ne seront pas chiffrés.
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