JOP 2024 : la gendarmerie s’inscrit définitivement dans le paysage de la lutte anti-drones

  • Par le capitaine Tristan Maysounave
  • Publié le 06 août 2024
Gendarme avec fusil de brouillage positionné sur le toit du village média.
© GEND/ SIRPAG/ GND.CULPIN

Du vendredi 26 juillet au 11 août et du 28 août au 8 septembre 2024, la France accueille les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP). L’usage malveillant des drones constitue l’une des principales menaces identifiées à l’occasion de cet événement. Un dispositif inédit est déployé en conséquence, au sein duquel la gendarmerie joue un rôle majeur.

D’abord utilisés dans le domaine militaire, les drones connaissent progressivement des applications civiles et de loisirs. Fondée en 2006, l’entreprise chinoise DJI favorise la commercialisation de modèles accessibles financièrement. Ceux-ci sont notamment utilisés à des fins de captation d’images et élargissent le champ des possibles en raison de leurs capacités technologiques. La France commence à encadrer l’utilisation des drones dès 2012, avant que le sujet ne soit repris par l’Union européenne, dans le cadre d’une volonté d’harmonisation des législations, qui se concrétise en 2019. Malgré cette réglementation, les drones peuvent constituer une menace en raison d’une méconnaissance des règles de la part du télépilote ou d’une utilisation malveillante (action de sabotage, espionnage ou encore acte terroriste, etc.). Les grands événements, qui attirent chefs d’État et de gouvernement, stars et touristes du monde entier, font tout particulièrement l’objet de ce genre de menace, à l’image des Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP). Un dispositif, conçu à l’aide des Retours d’expérience (RETEX) des engagements de ces dernières années, a donc été conçu en conséquence afin de prévenir cette menace et de garantir le bon déroulé de la compétition.

Les Centres opérationnels de lutte anti-drones au cœur du dispositif

Dans le cadre de la compétition, la Lutte anti-drones (LAD) est organisée en trois niveaux. Chargée de la surveillance du ciel et de la sûreté aérienne, l’armée de l’Air et de l’Espace est responsable du dispositif global depuis le Centre opérationnel de lutte anti-drones de niveau 1 (COLAD 1). En raison de l’organisation de la grande majorité des épreuves des JOP en Île-de-France, le second niveau de responsabilité est implanté à la Préfecture de police de Paris, au sein d’un COLAD 2. Le dispositif est enfin divisé en plusieurs COLAD 3. Positionnés au plus près du terrain afin de conduire la réponse opérationnelle, ils sont gérés par différents organismes, à l’image de celui de Charles de Gaulle-Le Bourget, placé sous la responsabilité de la Gendarmerie des transports aériens (GTA).

Le COLAD 3 mis en place à CDG.
© GEND/ SIRPAG/ GND.CULPIN

Ce dernier protège plusieurs lieux d’intérêt. En premier lieu les aéroports de Paris-Charles de Gaulle et de Paris-Le Bourget, mais également plusieurs sites de la compétition : le Village des Médias, le site d’escalade du Bourget, l’Arena Paris Nord, recevant les épreuves de boxe anglaise, et la fan zone située au parc Georges-Valbon. Les aéroports font l’objet d’une protection permanente pendant et en dehors de la période des JOP, mais celle-ci a été renforcée en raison de la sensibilité particulière de l’événement et des nombreuses personnalités et touristes transitant pour l’occasion. La lutte anti-drones n’est en revanche assurée sur les sites olympiques que le temps de la compétition, situation qui implique un déploiement de moyens exceptionnel, conçu à l’aide des enseignements tirés des engagements passés.

Un savoir-faire éprouvé

« La gendarmerie nationale est engagée depuis plusieurs années dans le domaine de la lutte anti-drones, souligne le chef d’escadron Arnaud Gérard, commandant le COLAD 3 Charles de Gaulle-Le Bourget. En novembre 2022, des spécialistes de la lutte anti-drones ont ainsi été déployés au Qatar, dans le cadre de la coupe du Monde de football. En juin 2023, nous avons participé à la sécurisation du salon du Bourget, en intégrant le dispositif de sûreté aérienne conduit par l’armée de l’Air et de l’Espace. Nous avons également déployé des moyens importants tant lors de la coupe du Monde de rugby qu’à l’occasion des commémorations du 80e anniversaire du Débarquement. Nos méthodes et nos matériels sont éprouvés. La gendarmerie a démontré sa capacité à s’intégrer dans différents dispositifs de lutte anti-drones aux côtés des autres forces de sécurité intérieure et des armées. L’effet recherché sur le terrain est d’interpeller le télépilote pour faire cesser l’infraction et réprimer les comportements dangereux ou illicites. Cependant, en cas de menace imminente et d’absolue nécessité, nos gendarmes sont en mesure de brouiller le drone de façon graduée pour garantir la sécurité du site. »

Un déploiement de moyens réglementaires, humains et matériels exceptionnel

Les agglomérations et les rassemblements de personnes font l’objet d’une interdiction permanente de survol. Des mesures supplémentaires ont néanmoins été édictées dans le cadre des JOP. Des Zones interdites temporaires (ZIT) ont ainsi été définies pendant tout le temps de la compétition.

Aux côtés des autres forces armées et de la police nationale, une task force LAD est également déployée par la gendarmerie nationale sur l’île-de-France. Elle est composée de 210 personnels, répartis au sein de trois détachements constitués pour l’occasion. Provenant de tout le territoire national et disposant de la qualification LAD, ils sont également appuyés par des réservistes et des forces de sécurité intérieure étrangères.

Brouilleur militaire couplé au système Hologarde.
© GEND/ SIRPAG/ GND.CULPIN

Le dispositif agrège différents moyens permettant de maximiser la détection, la discrimination et la neutralisation des drones le cas échéant.
Ainsi, le COLAD 3 de Charles de Gaulle-Le Bourget repose sur un système dual. La détection est assurée par le système civil Hologarde, récemment installé en raison des JOP. Celui-ci sera pérennisé à l’issue de l’événement. La GTA dispose également de son propre système de détection, qui repose principalement sur le programme Infodrones, et des moyens de détection mis à disposition de la préfecture de police de Paris. Le brouillage dépend d’un outil militaire uniquement activable par des aviateurs de l’armée de l’Air et de l’Espace, sous la responsabilité de la gendarmerie nationale. Capable d’opérer un brouillage omnidirectionnel ou directionnel sur différents niveaux de fréquence, cet instrument dispose d’une portée pratique de trois kilomètres et n’est activé qu’en ultime recours. Le COLAD s’appuie d’abord sur les patrouilles LAD mises en œuvre par la GTA à Charles de Gaulle et au Bourget, sur les opérateurs provenant de la task force, positionnés sur les différents sites de la compétition afin de contrer la menace, ainsi que sur les polices nationale et municipales des villes environnantes.

Le COLAD 3 mis en place à CDG.
© GEND/ SIRPAG/ GND.CULPIN

« La présence de drones aux abords des aéroports est une question majeure de sécurité et de sûreté aérienne, précise le chef d’escadron Gérard. L’enjeu est d’assurer une gradation de l’intervention et de coordonner les unités sur le terrain afin de garantir l’intégrité des aéroports. Des patrouilles effectuent des surveillances aux abords. Nous les engageons dans le cadre de la détection d’un drone en leur transmettant la localisation du télépilote et les informations utiles relatives au drone. En cas d’absolue nécessité et de menace imminente, les patrouilles peuvent faire usage du brouillage. Dans de bonnes conditions, la portée est de 1 000 mètres avec un fusil et de 500 mètres avec un pistolet. Le télépilote peut faire l’objet d’une mesure de garde à vue et d’une condamnation pénale. »

Deux gendarmes visant un drone avec un brouilleur.
© GEND/ SIRPAG/ GND.CULPIN

L’efficacité du dispositif n’est plus à démontrer. En effet, sa précision, associée à l’action des patrouilles au sol, ont par exemple permis de détecter la présence d’un drone dont la batterie était en surchauffe dans la soute d’un avion de ligne qui s’apprêtait à décoller pour l’Afrique du Sud, ou encore le vol d’un drone à moins de 100 mètres de la piste de Roissy, ayant entraîné l’arrêt du trafic aérien pendant 30 minutes.

Sur les sites de compétition, des équipes sont positionnées et équipées du matériel adéquat afin d’être en mesure d’identifier et de neutraliser la menace.

Un gendarme visant un drone avec un fusil anti-drones sur le toit du village média.
© GEND/ SIRPAG/ GND.CULPIN

« Je suis arrivé le 15 juillet et je suis engagé en mission de lutte anti-drones jusqu’au 9 septembre, explique l’adjudant Frédéric, affecté à la Section opérationnelle de lutte contre les cybermenaces (SOLC) du groupement de gendarmerie départementale des Landes et positionné en protection du Village des Médias. Nous sommes installés sur un toit du site, ce qui nous permet de bénéficier d’une vue dégagée, de détecter plus facilement les drones et de faire usage du fusil le cas échéant. Nous disposons d’une valise de détection et d’un fusil Nerod, nous permettant de brouiller le drone dans le cadre d’une gradation de la réponse. En dernier recours et après accord, nous pouvons utiliser un blast permettant de brouiller les ondes 4G. Nous sommes en liaison permanente avec le COLAD 3. »

Bien que les moyens déployés soient aujourd’hui adaptés, des réflexions sont en cours afin de permettre à la gendarmerie d’anticiper les menaces à venir.

Anticiper les menaces futures

« Les JOP constituent un laboratoire opérationnel permettant d’améliorer notre efficience, pendant et à l’issue de la compétition, relève le chef d’escadron. Cet événement nous aide à renforcer notre interopérabilité en gagnant en agilité et en souplesse, afin d’être en mesure de nous réarticuler rapidement pour garantir le succès de la mission. »

Aujourd’hui, la détection repose sur un système collaboratif où les drones transmettent automatiquement leurs données, ce qui permet aux opérateurs anti-drones de localiser l’engin ainsi que le télépilote. Néanmoins, le conflit russo-ukrainien engendre une évolution dans ce domaine, avec le développement de drones artisanaux plus difficilement détectables.

L’enjeu est donc aujourd’hui de développer de nouveaux moyens de détection plus précis et permettant d’identifier un plus large panel de drones. Par ailleurs, l’évolution de la lutte anti-drones réside également dans un meilleur enregistrement des aéronefs. L’application Infodrones développée par la gendarmerie permet d’interroger la base Alpha Tango sur laquelle les détenteurs de drones sont invités à s’enregistrer. Celle-ci ne répertorie néanmoins que les propriétaires français.

« La mise en place d’un système d’information européen permettant d’enregistrer tous les drones constituerait un réel progrès. Il faut développer une vision européenne et pas seulement française dans ce domaine », conclut l’officier.

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