Compagnie de gendarmerie départementale de Matoury : le lieutenant-colonel Le Pape revient sur une affectation exceptionnelle
- Par le capitaine Tristan Maysounave
- Publié le 08 octobre 2024
Jusqu’au 1er août 2024, le lieutenant-colonel Amaury Le Pape commandait la compagnie de gendarmerie départementale de Matoury, en Guyane. Pour Gendinfo, il revient sur son parcours et sur une affectation exceptionnelle, tant sur le plan professionnel que personnel.
Mon colonel, pouvez-vous retracer votre carrière ?
J’ai effectué ma scolarité à l'École spéciale militaire de Saint-Cyr, avant de rejoindre l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) en 2011. À l’issue de la formation, j’ai été affecté à Pornic, en tant que commandant de la communauté de brigades. Ce poste m’a permis de me confronter à une délinquance plurielle et à une activité particulièrement soutenue lors de la période estivale.
En 2015, j’ai rejoint la Sous-direction de l'anticipation opérationnelle (SDAO) de la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), ce qui m’a permis d’approfondir mes connaissances dans le domaine du renseignement. À cette occasion, j’ai servi à plusieurs reprises au sein de cellules de crise constituées en réponse aux attentats, aux gilets jaunes ou à la pandémie de Covid-19.
De 2018 à 2019, j’ai suivi le MBA spécialisé « management de la sécurité » proposé par l’EOGN, avant d’effectuer un an de scolarité à l’École de guerre. Cette formation m’a permis d’effectuer des embarquements interarmées et de m’engager dans le cadre de l’opération Barkhane, en participant au ravitaillement des forces françaises avec l’armée de l'Air et de l'Espace.
En 2021, j’ai rejoint la Guyane afin de prendre le commandement de la compagnie de gendarmerie départementale de Matoury.
Cet été, j’ai été muté à la Sous-direction du personnel officier (SDPO) de la Direction des ressources humaines de la gendarmerie nationale (DRHGN). C’est un nouveau défi professionnel qui s’offre à moi et qui sera tout aussi passionnant. Je passe d’un poste opérationnel à une mission dédiée à la gestion du corps des officiers. Je suis heureux d’entamer ce nouveau chapitre que j’aborde avec humilité.
Pourquoi avoir choisi la gendarmerie départementale au cours de votre scolarité à l’EOGN ?
Lors de la scolarité, j’ai choisi la dominante Sécurité publique générale (SPG), c’est-à-dire la gendarmerie départementale. Il s’agit de la colonne vertébrale de la gendarmerie. Cette dominante me permettait de découvrir un commandement diversifié et autonome. Je trouvais que c’était un beau challenge à relever que de se confronter à un territoire en dirigeant une politique de sécurité locale.
Quelles sont les motivations qui vous ont poussé à demander une affectation en Guyane ?
J’ai toujours voulu commander une compagnie en Guyane en raison de l’engagement que cela représente. La criminalité diffère de celle que l’on connaît en métropole, avec un niveau de violence particulièrement élevé, tout en étant un territoire de liberté, d’aventure et d’espaces.
Quelles sont les spécificités de la compagnie de Matoury ?
La compagnie de Matoury est une unité exigeante. L’activité, notamment nocturne, est incessante. La délinquance est spécifique en raison de la situation de la Guyane au cœur de l’Amérique du sud. Les crimes et délits que nous rencontrons sont typiques des grandes agglomérations sud-américaines. Les malfaiteurs s’adaptent, et nous devons donc innover de manière quotidienne afin de les contraindre. Il faut également faire preuve de lucidité en permanence afin de ne pas être pris au dépourvu. Il s’agit d’un engagement valorisant, qui génère un réel impact auprès des populations. Les résultats sont visibles.
Les gendarmes de la compagnie sont également engagés dans la Lutte contre l’orpaillage illégal (LCOI). Ces missions exigent de s’engager en forêt équatoriale plusieurs jours et de se confronter à une météo abrasive. Elles sont conduites en autonomie ou en coopération avec d’autres unités.
La compagnie est également singulière en raison de ses élongations et de la présence de communes reculées. Les projections urgentes impliquent d’avoir recours à des moyens aériens ou fluviaux. La gestion des brigades isolées est particulière. Nous nous efforçons de maintenir le lien avec les gendarmes de ces unités en réalisant des points quasi-quotidiens par téléphone. L’installation d’un émetteur Starlink à Camopi a facilité les interactions avec cette unité. Nous sommes appuyés par une section transit basée à l’état-major du Commandement de la gendarmerie (COMGEND) de la Guyane française. Celle-ci nous permet de maintenir un flux logistique. Elle appuie les unités isolées dans leurs demandes en matériels ainsi que dans leurs besoins quotidiens (courses, carburant, etc.). C’est un système pragmatique, qui induit de s’adapter en permanence.
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Comment concevez-vous votre rôle de chef ?
Le chef doit s’engager dans le domaine opérationnel et impulser la dynamique. Il doit être impliqué dans tous les volets (vols à main armée, lutte contre l’orpaillage illégal, etc.). C’est un impératif pour pouvoir concevoir une politique de sécurité publique et piloter les opérations anti-délinquance auxquelles sont associés les gendarmes départementaux et mobiles.
Que retirez-vous de la vie en Guyane ?
La Guyane est envoûtante. Elle est, à mon sens, la dernière terre d’aventure de la République. Il faut casser les préjugés sur l’enfer vert. C’est un territoire qui peut plaire à tous les goûts. L’amateur de faune et de flore peut aller en forêt afin d’observer les animaux. Passer du temps dans un carbet au bord d’un fleuve et servir en unité isolée sont autant d’exemples qui permettent de retrouver une certaine authenticité. Il est également possible de pratiquer de nombreux sports. La Guyane est particulièrement enrichissante par le multiculturalisme qui la définit. Le Centre spatial guyanais (CSG) donne l’occasion de développer ses connaissances sur la conquête spatiale et d’assister à des lancements de fusée. La situation géographique de ce département permet encore de se rendre au Brésil ou au Suriname. Finalement, le fil conducteur de la Guyane, c’est le grand air, l’aventure, la découverte et l’authenticité.
Pourquoi inciteriez-vous les gendarmes à servir en Guyane ?
Servir en Guyane constitue l’expérience professionnelle d’une vie. Soumis à une intensité très forte, on se densifie et on se fortifie, ce qui permet d’affronter de nombreux défis. On développe également un fort esprit de camaraderie. Cette cohésion est aussi fortement marquée au sein des casernes, où les familles se soutiennent.
Ce territoire donne également à vivre des séjours atypiques et uniques dans une carrière et à créer des liens particulièrement forts, tant avec la population qu’avec ses camarades. La Guyane permet de vivre des aventures hors-norme. Si les militaires qui ont servi dans ce territoire demandent tant à revenir, c’est que c’est un département marquant.
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