L'environnement aquatique et la criminalistique : Témoignage d'un sous-officier

  • Par Contributeur 380991
  • Publié le 17 août 2017, mis à jour le 13 juin 2023

Affecté à la cellule d'expertise aquatique du département "Faune et Flore Forensique" de l'IRCGN, découvrez le portrait d'un sous-officier de la Gendarmerie Nationale.

Faunes flores et forensiques

Faunes flores et forensiques

Comment avez vous rejoint cette unité ?

J'ai débuté des études de biologie générale à l'Université de Bourgogne de DIJON (21). Les enseignements reçus m'ont ouvert, pour la première fois, la porte du monde des invertébrés peuplant les différents écosystèmes de notre monde. Pendant ces années, j'ai découvert les cycles de vie d'animaux qui allaient devenir plus tard, pour moi, de parfaits témoins judiciaires.

Après une période à l'école des sous-officiers de gendarmerie de BERLIN et un passage à la Brigade territoriale de BOURG EN BRESSE (01), j'ai eu la chance de pouvoir rejoindre, en 1994, l'équipe du département Entomologie (nouvellement Faune et Flore Forensiques – 3F) de l'IRCGN où j'allais découvrir l'univers particulier des insectes nécrophages.

  

En quoi consistait alors votre mission ?

Le département Entomologie, sous l'impulsion du Chef d'Escadron CECCALDI, était en pleine création à l'époque. Il nous fallait pénétrer le monde mystérieux d'une catégorie d'insectes plutôt propice à engendrer des craintes et des phobies qu'un intérêt de collectionneur naturaliste. Ma mission était alors d'apporter des solutions au problème de l'estimation du délai post mortem d'un cadavre.

Ainsi, il a fallu dans un premier temps me replonger dans la littérature scientifique, puis élaborer des protocoles d'élevage d'insectes en laboratoire sans oublier la formation des TIC dont la qualité des prélèvements effectués sur le terrain conditionne la pertinence des résultats d'expertise du laboratoire.

  

Faunes flores et forensiques

Faunes flores et forensiques

Parlez-nous de votre parcours au sein de l'IRCGN ?

Pendant mes années de travail au département Entomologie, je me rendais compte que 50 % des saisines pouvaient avoir une relation avec un milieu aquatique, courant ou stagnant. Cet environnement très particulier forçait à chaque fois le questionnement. En effet, les méthodes d'estimation du temps de la mort, applicables aux invertébrés terrestres, étaient inopérantes avec des animaux aquatiques.

Vouloir percer ces secrets m'a conduit une nouvelle fois sur les bancs de la faculté où, dans le cadre d'un master 2, je me suis spécialisé dans l'écophysiologie des invertébrés à l'Université de PARIS VI. J'ai continué mes recherches, dans le cadre d'une thèse de doctorat à la Faculté de médecine des Saints-Pères à PARIS, en me spécialisant dans le domaine de la datation en milieu aquatique avec le soutien du MCS Yves SCHULIAR. Parallèlement, avec l'aide de l'ensemble des personnels du département, j'ai pu mener à bien une expérimentation d'immersion de modèles animaux dans différents milieux naturels proches du fort de ROSNY.

Ces connaissances acquises m'ont permis de prendre en charge, à l'IRCGN, les investigations concernant les cas de découverte de personnes dans des milieux naturels d'eau douce.

Travailler sur cette problématique m'imposait de pouvoir répondre aux deux questions principales d'un enquêteur, à savoir :

     - Quelles sont les causes du décès ?

     - Depuis quand la personne est-elle au contact de l'eau ?

Si le sujet de ma thèse portait sur la datation en milieu aquatique, il restait à me former dans le domaine des diatomées, végétaux aquatiques microscopiques, dont la recherche dans les organes permet le diagnostic de la noyade.

Cette nouvelle approche de mon travail m'a permis de prendre la responsabilité de la cellule d'expertise aquatique.

Ma mission a été, dans un premier temps, de simplifier le protocole en cours concernant la recherche des diatomées et d'abaisser le temps de réalisation des analyses au laboratoire. Ensuite, il a fallu créer un protocole de prélèvement des animaux. Ce travail a été réalisé en étroite collaboration avec les plongeurs du CNING d'ANTIBES.

  

Ce métier particulier doit être en constante évolution. Quel est votre rôle à ce titre ?

Comme je l’évoquais tout à l'heure, les milieux aquatiques gardent encore actuellement beaucoup de secrets et ce qui est développé en entomologie forensique n'est pas adapté aux fleuves, rivières, étangs et divers canaux. Les protocoles doivent sans cesse être affinés en tenant compte des échanges permanents avec les universités et le milieu médicolégal. Un résultat difficilement acquis n'est toujours que le prélude d'intenses recherches à venir.

Mon rôle est d'assurer une veille scientifique constante dans le secteur de mon activité tout en assurant une mission de formation des TIC et TIS constamment réactualisée. Il ne faut pas oublier également les missions de recherche appliquée indispensables à la validation des techniques, les publications scientifiques et la communication des résultats acquis lors de différents congrès scientifiques.

  

Faunes flores et forensiques

Faunes flores et forensiques

Que vous apporte le milieu de l'expertise?

Tout au long de ma vie professionnelle, je suis resté une personne très curieuse et passionné par les nouvelles techniques. J'aime le dialogue et la vie d'équipe qui me permettent d'avancer et de m'enrichir.

La vie à l'IRCGN me permet d'utiliser mes connaissances dans des cas très particuliers d'affaires sensibles et de faits marquants où la science et la raison doivent prendre le pas sur un ressenti. Je suis expert près la Cour d'Appel de Versailles et à ce titre un élément de la chaîne judiciaire et criminalistique. Il est valorisant, pour l'unité et pour soi, lorsque le travail accompli permet la réorientation d'une enquête.

Je suis heureux de constater maintenant que les saisines "aquatiques" des unités sont en augmentation continue d'une année sur l'autre au département FFF. Nous sommes à même maintenant de répondre aux enquêteurs, dans un temps réduit, sur les causes de la mort et l'estimation du temps écoulé depuis le décès.

  

Comment voyez-vous l'avenir de votre discipline?

L'important pour moi maintenant est d'assurer que cette dynamique de travail se poursuive dans le temps. Le but étant de toujours donner les éléments d'expertise les plus pertinents dans les cas de découverte de corps dans l'eau.

Actuellement, les diatomées constituent un outil fiable de diagnostic de la noyade même s'il reste quelques limites liées aux particularités du milieu de découverte.

Une enquête en cours de publication, réalisée auprès de 26 instituts médico-légaux (métropole et DROM/COM) et 10 laboratoires français a été entreprise pour faire un bilan des techniques de recherche utilisées à partir de données de levées de corps et d’autopsies réalisées en 2010 et 2011.

Les résultats obtenus ont motivé la création d'un kit de prélèvement « diatomées » au département. Ce dernier dote les unités de terrain depuis 2015.

Grâce à ce nouvel outil, le bilan récent d’activité à l’IRCGN ne cesse de traduire une augmentation des saisines, une réduction importante des délais d’expertise et une meilleure expression des résultats.

De nouveaux axes de recherches font maintenant l'objet d'un travail. Par exemple, nous étudions le « poids statistique » d’un organe et les phénomènes de diffusion des diatomées par voie sanguine afin d’apporter un nouvel éclairage en cas de suspicion de pathologie sous-jacente ou de problème d’échantillonnage.

Depuis quelques mois, j'ai le plaisir de travailler avec une spécialiste du milieu marin. A nous deux, et grâce à des partenariats avec IFREMER et la SRMAR, le diagnostic de la noyade, en milieu marin, sera possible à moyen terme.

Dans quelques années, ce sera pour moi l'heure de la retraite. J'aurai peut être alors un souvenir pour mes années de fac de Dijon. J'étais loin de penser, à cette époque, que j'exercerais un jour un métier aussi passionnant et enrichissant.

 

Extrait de l'interview d'un Major tiré de la Revue Gendarmerie.

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