80e Anniversaire du Débarquement en Normandie : le commandant des forces gendarmerie explique la manœuvre de sécurisation déployée

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 03 juin 2024
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Le dispositif interarmées et interservices déployé aux fins d’assurer la sécurisation d’une trentaine de cérémonies commémoratives majeures à l’occasion du 80e Anniversaire du Débarquement en Normandie, va mobiliser plus de 6 000 gendarmes. Le général de corps d’armée Hubert Bonneau, commandant des forces gendarmerie, revient sur les enjeux, la planification et la mise en œuvre de cette manœuvre à la fois terrestre, aérienne et maritime.

Afin de sécuriser la trentaine de cérémonies de commémoration du 80Anniversaire du Débarquement, prévues en Normandie, principalement dans le Calvados et la Manche, entre le 4 et le 7 juin 2024, en présence d’une trentaine de chefs d'État et de Gouvernement, des derniers vétérans et d’un public très nombreux, une importante manœuvre de sécurisation est mise en œuvre. Planifiée depuis près de dix mois, elle mobilise, aux côtés des autres forces du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer ainsi que des Armées, plus de 6 000 gendarmes. Cette mobilisation de l’ensemble de la zone de gendarmerie Ouest, appuyée par des renforts venus de l’ensemble du territoire, permet de prendre en compte les dimensions terrestre, maritime et aérienne de la manœuvre. Désigné Commandant des forces de gendarmerie (COMFORGEND), le général de corps d’armée Hubert Bonneau, commandant la région de gendarmerie de Bretagne et la gendarmerie pour la zone de défense Ouest, revient sur les enjeux et la complexité de cette manœuvre et en explique la conception, de la planification à la mise en œuvre.

Mon général, quels sont les principaux enjeux de la manœuvre de sécurisation déployée à l’occasion de cet événement international ?

L’enjeu est de s’assurer que les commémorations se déroulent selon l’agenda programmé. Il faut donc faire en sorte qu’il n’y ait pas de retard dans le déroulement des cérémonies, pas d’engorgement sur les axes de circulation, et que la sécurité soit assurée sur les lieux mémoriels. Le dispositif englobe donc la sécurisation des sites dans le Calvados, la Manche et le Morbihan, mais cette manœuvre du 80e Anniversaire du Débarquement en Normandie est d’abord et avant tout, pour nous, une manœuvre de flux. Pour la réussir, il nous faut, après avoir pris en compte les menaces, être capables de contrôler les zones sur lesquelles vont se dérouler la majorité des grands événements auxquels assisteront les chefs d’État et de Gouvernement, soit une trentaine de cérémonies majeures sur les trois jours, sans compter les événements secondaires qui vont se compter par dizaines. Nous avons défini une zone d’intérêt majeur, qui s’étend de Ouistreham jusqu’à la Pointe du Hoc, soit à peu près 80 km de trait de côte sur une trentaine de kilomètres de profondeur.

Il s’agit ensuite d’assurer la sécurisation complète de tous les lieux mémoriels où vont se dérouler ces cérémonies majeures, à l’instar de celle de Saint-Laurent, du cimetière américain de Colleville, du cimetière britannique de Ver-sur-Mer, et bien d’autres sites…

Enfin, le troisième volet est de garantir, dans les meilleures conditions, l’acheminement des chefs d’État et de Gouvernement, des hautes autorités, mais aussi de la centaine de vétérans et du public. Les vétérans, dont c’est certainement la dernière grande cérémonie, sont vraiment les VIP de ces commémorations. Leur arrivée et celle de leurs familles font l’objet d’une organisation impressionnante, notamment de la part des Américains. On parle, par exemple, de milliers de ressortissants américains, de 600 véhicules officiels… Cette gestion des mouvements est donc vraiment essentielle, parce que c’est finalement là que le risque est le plus prégnant. Un défaut d’organisation dans l’acheminement des autorités pourrait nuire à l’image de la France. Cela passe donc par la mise en place d’un parfait contrôle des axes, avec un axe rouge, la N13, des axes jalonnés, ainsi que des axes « tubés » jusqu’aux sites de certaines cérémonies.

Enfin, pour que tout cela fonctionne, nous travaillons depuis très longtemps sur l’appui de l’homme et des matériels. La logistique est en effet un élément fondamental dans une manœuvre qui va regrouper des milliers de gendarmes. À cette fin, nous avons monté un Groupement opérationnel logistique (G.O. LOG).

L’élaboration et la mise en œuvre du dispositif de sécurisation ont nécessité un travail d’anticipation et de planification, tant en termes opérationnels que de soutien logistique. Comment ce travail a-t-il été mené ?

J’ai été désigné Commandant des forces gendarmerie (COMFORGEND) en avril 2023 par le Directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) avec pour mission de contribuer au bon déroulement des cérémonies qui vont se tenir sur la zone Ouest. Nous avons formellement commencé le travail de planification, selon le mode otanien, depuis juin 2023, au sein de la DZOE (Direction Zonale des Opérations et de l’Emploi) de la zone Ouest. J’ai désigné une responsable d’un groupe de planification opérationnelle, la lieutenant-colonel Sophie Périgord, qui est la cheffe du Centre zonal des opérations (CZO) Ouest. Depuis maintenant près de neuf mois, nous faisons donc un point de situation décisionnel tous les vendredis matin à Rennes, en liaison avec les Groupements de gendarmerie départementale (GGD) du Calvados (14) et de la Manche (50) ainsi qu’avec la logistique de la région Normandie. Nous passons en revue les différents « J » : « J1 » pour la génération de forces, « J2 » pour l’état du renseignement, « J3 » pour la planification en avancée, « J4 » pour tout ce qui touche à la logistique… Cette méthode de planification, commune avec les armées, nous permet d’ailleurs d’avoir d’excellentes relations avec elles.

Le dispositif de montée en puissance de la planification est très encadré. Il y a près de dix mois, nous avons fait valider par le DGGN et les préfets une Directive initiale de planification (DIP), suivie, à l’automne 2023, par une Conception opérationnelle de manœuvre (CONOPS), fixant les grands enjeux et les lignes d’opération de la conception de manœuvre. Enfin, dès février/mars 2024, des Directives opérationnelles (DIROPS) ont été déclinées au niveau des différents Groupements opérationnels (G.O.). Ce cheminement en matière de planification s’est achevé cette semaine (dernière semaine de mai 2024, NDLR) pour entrer dans une phase dite de conduite des opérations.

La manœuvre opérationnelle est donc structurée pour répondre aux différents enjeux que vous avez cités ?

En effet. Comme je l’ai évoqué, notre conception de manœuvre est élaborée autour du contrôle de zone, de la sécurisation des sites et de notre capacité à tenir les axes. Tout cela se traduit par une organisation opérationnelle sous forme de groupements opérationnels. Nous avons ainsi mis en place un G.O. contrôle de zone, qui va regrouper des gendarmes mobiles et départementaux pour rechercher le renseignement dans la profondeur, détecter des menaces potentielles et assurer la sécurité des grands espaces. Le G.O. sécurisation, essentiellement formé d’unités mobiles, a lui pour mission d’assurer la défense de la trentaine de sites qui accueilleront des cérémonies nationales et internationales. Pour tout ce qui est manœuvre de flux et escortes, nous avons constitué un G.O. mouvement. Ces flux sont essentiellement en ZGN, avec toutefois une partie sur Caen, aussi ai-je intégré au sein de mon état-major des personnels de la DZCRS Ouest, qui sont en charge des escortes de la police, et ce, afin d’avoir une meilleure coordination. C’est là un réel enjeu. Pour compléter l’ensemble, nous avons un G.O. Réserve d’intervention (R.I.), capable d’intervenir si la situation venait à dégénérer sur un point particulier, à travers par exemple une manœuvre d’ordre public avec les gendarmes mobiles, mais également le GIGN pour des faits de haute intensité, une manœuvre anti-drone, et tout ce qui va toucher au dispositif aérien 3D. Un G.O. Police judiciaire (P.J.) sera par ailleurs en mesure de traiter toutes les infractions en lien avec les célébrations, en capacité de monter en puissance sous très court préavis si une affaire d’ampleur venait à se déclencher. Il faut noter que ce GOPJ a réalisé dans le domaine préventif plusieurs centaines de pré-diagnostics cyber dans toute la zone d’intérêt. Tout ceci ne pourrait se faire sans un soutien dimensionné. Nous avons donc organisé un G.O. logistique, avec la constitution d’une Base logistique avancée (BLA), typique d’une organisation militaire, qui nous permet d’avoir une grande autonomie dans la manœuvre, tant pour le soutien des matériels que des hommes.

Comment cette manœuvre se traduit-elle en termes d’effectifs ?

Ce sont exactement 6 050 gendarmes qui seront engagés dans le cadre de ces commémorations. Dans notre planification, nous avons pris en compte le contexte international très mouvant, entre les conflits au Moyen-Orient et l’Ukraine. Nous avons dû nous adapter au niveau de la génération de forces eu égard aux événements de Nouvelle-Calédonie. Un autre de nos enjeux était donc d’avoir une manœuvre au plus juste, en volume comme en durée. Il s’agit d’avoir les effectifs nécessaires à temps et seulement à temps, ce qui se traduit par une montée en puissance au dernier moment et par le désengagement d’une grosse partie du dispositif à compter du 7 juin, au regard d’autres événements prévus sur le territoire national, comme la manifestation contre l’A69, mais également des problématiques sur la plaque parisienne.

Nous avons donc essayé de rationaliser les forces au maximum pour coller au plus près au besoin, en encadrant tout cela dans le temps. Au final, même s’il s’agit d’une cérémonie de très grande ampleur, nous mobilisons moins d’effectifs que pour le 75e ou le 70e anniversaire.

Concrètement, il s’agit d’une manœuvre qui engage la gendarmerie dans son ensemble…

Oui, c’est une manœuvre complexe au regard de la durée, du volume de forces mobilisées et des enjeux sur un événement qui va être suivi au niveau mondial et qui est le dernier grand rendez-vous avant les Jeux Olympiques et Paralympiques.

Afin de mener à bien notre manœuvre, ce sont toutes les forces de la zone de gendarmerie Ouest qui sont mobilisées, renforcées par 40 escadrons de gendarmerie mobile. Pour compléter le besoin en unités de force mobile, je génère également trois compagnies de marche, qui viennent de Bretagne et des Pays de la Loire pour renforcer les dispositifs du 80e. Nous nous appuyons également sur l’armée de Terre, qui va fournir l’équivalent de quatre escadrons de gendarmerie mobile avec des compagnies PROTERRE, afin d’assurer la sécurisation de certains sites sensibles mais n’accueillant pas de public.

Nous mobilisons également des moyens nationaux, à l’instar des 450 motocyclistes de la gendarmerie venus de toute la France, qui assureront, aux côtés de 170 motards de la police nationale, l’ensemble des escortes. Les militaires de la garde républicaine seront également présents, notamment les moyens de lutte anti-drone, les tireurs d’élite ou encore les cavaliers, plus particulièrement appelés à patrouiller sur le littoral… Nous avons bien sûr un appui aérien, avec des hélicoptères de la zone Ouest, mais aussi de Villacoublay, des équipes cynophiles de toute la France, et enfin des moyens spéciaux centraux, comme le GIGN, la force nationale NRBC, la Cellule nationale d’appui à la mobilité (CNAMO), la CNOEIL…

Cela implique donc un important travail de coordination, notamment avec les armées ?

Au regard de l’effort très important fourni par l’armée de Terre pour contribuer à la sécurisation des sites de cérémonies, il y a une nécessaire coordination. Nous échangeons d’ailleurs des officiers au sein de nos états-majors respectifs. Nous avons une excellente coopération avec l’armée de Terre, mais aussi avec l’armée de l’Air et de l’Espace et la Marine nationale, dans le cadre de la manœuvre 3D et des approches maritimes. Dans le cadre du Dispositif particulier de sûreté aérienne (DPSA), nous avons des dispositifs communs de lutte anti-drone sur les différents sites, sous le commandement de l’armée de l’Air et de l’Espace le 6 juin, et sous celui de la gendarmerie les 5 et 7 juin, impliquant une nécessaire coordination. Même chose pour la manœuvre 3D hélico. Les approches maritimes sont quant à elles sous le commandement du préfet maritime de la Manche, qui intègre bien évidemment dans son dispositif, aux côtés de la Marine, des unités de gendarmerie maritime mais aussi des embarcations de la gendarmerie départementale.

Au-delà du dispositif de sécurisation, il y a également une forte mobilisation au quotidien des groupements pour accompagner ces célébrations…

Il y aura en effet une implication très importante des groupements concernés qui se déclinera jusqu’aux unités territoriales pour accompagner de manière bienveillante la population et les élus tout au long de la semaine et assurer une sécurité, certes un peu moins visible mais essentielle, lors des diverses manifestations festives.

Au-delà des cérémonies dites officielles, il faut imaginer qu’un million de touristes vont affluer au cours de cette semaine de commémorations dans la zone d’intérêt, autour des différentes festivités mémorielles, reconstitutions de bataille et autres événements. C’est un aspect festif qu’il nous faut impérativement préserver.

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