Polaris : une culture commune des forces de police européennes

  • Par Pablo Agnan
  • Publié le 19 septembre 2023
Défilé au 14 juillet des forces de gendarmerie au côté d'autres forces de sécurité intérieure d'autres pays avec qui la France entretient des relations de coopération.
© Gendarmerie nationale

Le développement d’une culture européenne commune des forces de sécurité intérieure a pris un nouvel élan en 2022, avec la reconnaissance par la Commission européenne des formations conjointes développées par la gendarmerie. Portées par le projet POLARIS, ces formations s’adressaient au départ aux « gendarmeries soeurs ». Mais l’association de l’Allemagne traduit la volonté de s’ouvrir à d’autres systèmes policiers, pour se nourrir des différences de cultures et de méthodes. La construction, initialement artisanale, est en passe de devenir un méga-chantier.


Brique par brique, le développement d’une culture européenne des forces de sécurité intérieure continue son expansion. Dernier fait d’armes, la décision prise, en septembre 2022, de revivifier la FIEP, l’Association internationale des forces de gendarmerie et de police à statut militaire, en développant des formations conjointes entre les quatre pays fondateurs, que sont le Portugal, l’Espagne, l’Italie et la France. L’Initiative G4 a décidé le lancement de la formation conjointe de quarante élèves sous-officiers, soit dix militaires par pays, en alternance chez les quatre gendarmeries sœurs.

Les Carabiniers italiens ont été les premiers à accueillir cette promotion en juillet 2023, à Florence. Ils seront suivis par la gendarmerie nationale en 2024, puis la Garde nationale républicaine portugaise en 2025 et, enfin, en 2026, la Guardia Civil espagnole. Ces formations en immersion seront effectuées dans la langue du pays d’accueil. « Elles seront centrées sur l’Intervention professionnelle (I.P.), et toutes les matières pratiques où la barrière de la langue sera la moins contraignante pour les stagiaires », précise le colonel Jean-Michel Blaudez, chargé de mission à la Direction des opérations et de l’emploi (DOE). Une approche novatrice, expérimentée avec succès en 2022 par 40 élèves-gendarmes de l’école de Tulle, lors de leur immersion au Colegio de Guardias Jóvenes, une école de la Guardia Civil située à Valdemoro, en Espagne.

Le défi du choc des cultures

Si dans le développement d’une culture européenne commune des forces de police, le couple franco-espagnol en a été le moteur, la gendarmerie et la Guardia Civil en constituent alors la courroie de transmission. En 2017, les ministres de l’Intérieur des deux pays agréent le principe d’une formation d’élèves-gendarmes français en Espagne, afin d’améliorer la coopération entre les deux maisons. Depuis lors, quatre promotions d’élèves-gendarmes et d’élèves-gardes espagnols ont été formées ensemble, trois à Valdemoro et une à Dijon. Cette idée d’un « Erasmus policier européen » séduit, et ce jusqu’outre-Rhin. En 2020, une première approche était en effet expérimentée, avec le binômage d’une élève-gendarme de l’école de gendarmerie de Tulle et une Polizeianwärterin de l’université de police de Mülheim. Les deux jeunes femmes se sont accueillies à tour de rôle dans chaque pays.

L’expérience s’est poursuivie en 2021, puis en 2022, avec des échanges croisés de cadres issus des deux forces, entre l’université de police de Mülheim et l’école de gendarmerie de Chaumont. Pour l’instant, l’initiative franco-allemande ne se limite qu’à des échanges interculturels. Ici, impossible de calquer le modèle de formation érigé par la gendarmerie et la Guardia Civil ; la limite réside dans le choc des cultures entre les forces de police françaises et allemandes. « Nous sommes lucides sur les divergences entre les deux systèmes policiers. Mais les différences techniques ont été vécues comme une complémentarité et une plus-value », explique le général Laurent Gérin. Et selon le commandant de l’école de gendarmerie de Chaumont, cette valeur ajoutée a été particulièrement appréciée par les Polizisten : « Les quatre participants allemands affirment unanimement qu’il s’agit d’une expérience extraordinaire à renouveler impérativement ». Le match retour a d’ailleurs été joué dès janvier 2023 à Mülheim, en présence d’observateurs étrangers issus d’autres pays de l’Union européenne.

Durant un DEPP, un gendarme de la Guardia Civil travail au coté des gendarmes français.
© Sirpa-G - M.A Saillet

Vers une reconnaissance de la Commission européenne

L’initiative franco-allemande marque une rupture dans la construction d’une culture européenne commune aux forces de police, comme l’explique le colonel Blaudez : « En s’ouvrant à l’Allemagne, le projet a démontré sa capacité à fédérer une pluralité de partenaires européens, en surmontant les disparités de culture et d’organisation. » Il a même obtenu l’accréditation « Erasmus+ » en 2021, sous le nom de POLARIS (POLice Academies Regional Integrated Schooling). En clair, cela permet notamment d’accéder à des facilités de financement de la part de l’Union européenne. L’année suivante, à l’occasion de la présentation du projet au cours de la Présidence française de l’Union européenne, la police lituanienne, qui développe un programme similaire en Europe centrale, s’est associée au projet.

Enfin, au mois de juin 2022, le Conseil de l’Union européenne adoptait une recommandation citant les formations conjointes franco espagnoles comme un modèle à suivre pour impulser une culture européenne commune des forces de police. Mais POLARIS ne constitue qu’une avant-garde à cette ambition. Pour que le club continue de grandir, « il ne peut rester fermé : il doit aussi entraîner d’autres partenaires via des formations thématiques européennes. Il doit également produire des bénéfices concrets pour la coopération », insiste l’officier.

Opérationnaliser, densifier et européaniser

Ces bénéfices sont attendus sur le terrain,, en particulier pour répondre aux besoins de la coopération transfrontalière. « Le développement d’une culture européenne commune des forces de sécurité intérieure doit se traduire par des résultats concrets. » Ces résultats sont en réalité déjà visibles, avec la génération de ressources opérationnelles conjointes entre la France et ses voisins. Il ne s’agit pas d’unités construites ad hoc, mais plutôt de « constituer des viviers de formateurs et d’élèves, à la fois aptes à délivrer des formations communes et déjà acculturés à la coopération avec les pays partenaires. »

À l’instar des élèves-gendarmes ayant terminé leur scolarité en Espagne, « ils pourront, le moment venu, être affectés dans des unités de circonstance, telles que l’UOFA (Unité Opérationnelle Franco-Allemande), ou au sein d’autres dispositifs analogues, tel celui qui sera co-construit avec l’Italie (traité du Quirinal - UOFI). » Pour le colonel Blaudez, si l’ouverture de POLARIS à l’Allemagne pose les jalons d’une européanisation du projet, l’impulsion d’une culture européenne commune des forces de police se doit d’être donnée par les forces de police à statut militaire, notamment latines : « Les affinités des gendarmeries sœurs sont un atout pour développer des formations conjointes, plus facilement qu’avec d’autres partenaires. » Les valeurs militaires partagées par les membres de l’Initiative G4 constituent le socle du développement de formations conjointes, « qui pourront donner lieu à des reconnaissances mutuelles ou des certifications communes de compétences. »

Cette avant-garde va-t-elle suffire à rassembler les 27 autour de POLARIS ? La question ne peut encore être tranchée, mais la réponse passe nécessairement par une adaptation aux cultures des forces d’autres pays, comme c’est cas avec la Landpolizei d’Hesse. « Les modules militaires gagneront à se prolonger par des modules européens, clairement distincts des précédents, orientés sur la dimension interculturelle et l’amélioration des pratiques. » L’initiative franco-allemande montre d’ailleurs que les ponts construits entre les deux forces sont décisifs dans le rapprochement des cultures policières. « Et l’expérience de l’UOFA démontre que ce rapprochement des standards de travail passe par le développement de formations conjointes. »

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