Les Balkans occidentaux, une priorité pour la France

  • Par le commandant Céline Morin
  • Publié le 25 septembre 2023
Deux photos juxtaposées : la première, à gauche, montrant le LTN Grousset (portrait buste), en blouson gendarmerie, arborant l'écusson d'épaule de la coopération sécurité défense. En arrière-plan, un terrain vague et des immeubles. La seconde photo, à droite, montre le LCL Seurre, en civil, de profil, dans une salle informatique. Au second plan, quatre personnes en civil sont devant un écran d'ordinateur où l'on voit un outil de comparaison balistique.
Le LTN Grousset, à gauche, et le LCL Seurre, à droite.
© D.R.

La France développe de nombreux projets avec les pays des Balkans, notamment par l’entremise de la Direction de la coopération de sécurité et de défense. La création d’un centre de développement des capacités cyber et le programme de lutte contre le trafic d’armes à feu sont deux exemples de la coopération structurelle menée dans cette zone géographique, dans la droite ligne des priorités politiques et géographiques définies par le président de la République en matière de relations et de coopération internationales.

Le 29 avril 2019, à l’occasion d’un sommet informel sur les Balkans organisé à Berlin, le président de la République Emmanuel Macron a souhaité « une véritable stratégie pour les Balkans occidentaux », afin que la France « s’engage davantage pour la stabilisation des six pays des Balkans occidentaux non-membres de l’Union européenne, pour leur développement économique et social et pour le renforcement de l’État de droit », peut-on lire sur le site du ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères (MEAE). La stratégie de la France vise également à appuyer et à compléter l’action de l’Union européenne pour soutenir son rapprochement avec cette région.

Outre l’intensification des relations politiques, il a ainsi été décidé que la France renforce sa coopération bilatérale avec les pays de la région, dans quatre domaines : le développement économique et social, la défense et, bien entendu, la justice et la sécurité, avec notamment comme priorités sur ce dernier volet, la lutte contre la cybercriminalité et celle contre les trafics d’Armes légères et de petit calibre (ALPC).

La France pilote ainsi plusieurs projets, comme la création du Centre de développement des capacités cyber dans les Balkans occidentaux (C3BO) ou encore le programme de lutte contre le trafic d’armes à feu, deux exemples de coopération structurelle conduite dans le domaine de la sécurité, dans les deux cas par l’entremise de la Direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD-MEAE).

Les capacités cyber dans les Balkans occidentaux

Face à l’évolution toujours plus grande des risques et des menaces cyber qui planent sur les États, ainsi qu’à la capacité inégale de chacun d’y faire face, l’Union européenne a fait de la sécurité du cyberespace l’une de ses priorités. Celle-ci s’est notamment concrétisée par l’adoption, en décembre 2020, d’une stratégie de cybersécurité, puis en novembre 2022, de la directive NIS 2, visant à harmoniser et à renforcer la cybersécurité du marché européen.

Dans cette dynamique, et celle de s’engager durablement aux côtés des pays de la région des Balkans occidentaux, régulièrement, et parfois lourdement, touchés par ce phénomène, la France a donc initié un projet de création d’école cyber. Au cours du premier semestre 2022, une mission de préfiguration, pilotée par un coopérant militaire technique de la DCSD, en l’occurrence le lieutenant Cédric Grousset, officier de gendarmerie de son état, a permis de recueillir les besoins structurels et éducationnels (formation), ainsi que d’identifier les partenariats possibles dans le domaine de la lutte contre la cybercriminalité et de la cybersécurité. Il s’agissait aussi de déterminer le lieu le plus opportun pour installer cette structure à vocation régionale sur les six pays des Balkans (Albanie, Serbie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Kosovo et Macédoine), avec toute la difficulté qu’implique le contexte historique et politique local.

Initié par la France, et porté en partenariat avec la Slovénie, le C3BO sera finalement implanté au Monténégro, qui met à disposition les locaux. « La DCSD a déjà développé 17 Écoles nationales à vocation régionale (ENVR), toutes sur le continent africain, dont une dans le domaine cyber à Dakar. Le C3BO, eu égard à sa thématique et à sa proximité avec l’U.E, fait l’objet d’une attention particulière de la part des instances européennes », souligne le LTN Grousset, dont la mission initiale s’est transformée en conduite de projet et direction des études.

Après huit mois en poste à Belgrade, l’officier a ainsi pris ses quartiers à Podgorica le 1er septembre 2022. Fort de son expertise en matière de formation, à défaut de l’être en cyber, et de son expérience déjà riche à l’international, précisément dans la zone des Balkans occidentaux, où il cumule cinq ans de présence avant cette nouvelle mission (un an au Kosovo dans le cadre de la mission UNMIK et quatre ans en Bosnie en qualité d’attaché de sécurité intérieure adjoint) et s’appuyant sur sa connaissance de la langue serbo-croate, l’officier de gendarmerie a élaboré, à la suite de ses consultations auprès des institutions des six pays concernés, et en lien avec les partenaires slovènes, une offre de formation innovante. « Nous nous inscrivons dans un paysage de coopération internationale déjà bien riche dans la région. Toutefois, ce projet se démarque des autres par la plus-value structurelle des actions qui seront conduites. La démarche de la DCSD est innovante pour plusieurs raisons, notamment parce qu’il s’agit de la première structure de ce type à l’échelle des Balkans occidentaux, destinée au renforcement capacitaire en matière de lutte contre la cybercriminalité et dans le domaine de la cybersécurité. Les actions de formation, dont le contenu sera élaboré en lien avec les institutions bénéficiaires et les experts régionaux identifiés, avant validation par les organes de gouvernance franco-slovènes du C3BO, adopteront une approche globale visant à la structuration des dispositifs institutionnels, opérationnels et éducatifs. L’encadrement de ces formations associera par ailleurs ces experts régionaux aux experts français et slovènes. »

L’offre de formation, à destination des personnels des forces de police, des magistrats, des agences dédiées à la cybersécurité et des administrations publiques, se déclinera selon trois axes force :

• la diffusion d’une culture cyber par l’éducation et la sensibilisation ;

• le renforcement capacitaire en matière d’investigations, de poursuites, de prévention et de gestion des risques et des incidents ;

• le renforcement de la coopération régionale et internationale.

L’affectation de deux coopérants du MIOM, en qualité de formateurs, est effective depuis l’été 2023, quelques mois après la conduite de la première formation, qui est intervenue au printemps.

Lutte contre le trafic d’armes à feu

Dans le même temps, dans la Serbie voisine, un autre officier de gendarmerie, le lieutenant-colonel Pascal Seurre, lui aussi coopérant militaire technique au profit de la DCSD, pilote - entre autres projets -, depuis septembre 2019, un programme tout aussi structurant dans le domaine de la lutte contre le trafic d’Armes légères et de petit calibre (ALPC). Un enjeu de sécurité crucial pour le MEAE, puisque la région des Balkans est en effet l’une des sources d’approvisionnement en armes à feu du crime organisé européen.

L’objectif de ce programme de coopération est d’apporter une réponse directe et efficace aux besoins des forces de sécurité intérieure des États de la région, en les dotant d’un système de comparaison balistique et d’un logiciel de renseignement criminel balistique. Ce faisant, il contribue de manière essentielle à la sécurité européenne.

Si la DCSD est en charge du volet stratégique et technique, la gestion administrative, logistique et financière est quant à elle du ressort de CIVIPOL.

Le choix s’est porté sur le système EVOFINDER, qui permet d’analyser des éléments de munitions en 3D (étuis et projectiles) en quelques minutes. Celui-ci a d’ailleurs conduit à la mise en place du Fichier national d’identification balistique (FNIB) en France, en 2015, sous l’impulsion de l’IRCGN.

Aujourd’hui, les six pays de la zone des Balkans occidentaux en sont dotés et ont bénéficié de la formation de leurs experts, notamment par des ingénieurs du SNPS de Lyon. « Nous leur avons aussi « injecté » nos tables balistiques et organisé un FNIB semblable au nôtre. Néanmoins, chaque pays prend en main et utilise le matériel à son rythme. Il faut en effet prendre en compte le contexte particulier, d’un point de vue historique et géopolitique, dans lequel cette coopération s’inscrit, et qui peut être source de quelques réticences », souligne l’officier.

« Nous leur avons également fourni le logiciel TRAFFIC de remontée d’informations criminalistiques balistiques, qui leur permettra de croiser et de partager leurs données, jusqu’au niveau de l’U.E., dont plusieurs États sont dotés de ces deux outils, poursuit-il.L’objectif est de créer, à terme, un réseau d’échanges, en quelque sorte un « mini Prüm » (traité visant à renforcer la coopération transfrontalière, en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité et l’immigration illégale, NDLR) de la balistique dans les Balkans, et ce malgré une porosité parfois difficile à concevoir, afin d’échanger simplement et plus rapidement des données techniques balistiques, mais également du renseignement criminalistique sur les ALPC, et donc d’identifier les phénomènes émergents et les trafics. C’est une petite révolution ! »

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