Guyane : l’élève gendarme Lucas raconte sa première mission outre-mer

  • Par le capitaine Tristan Maysounave
  • Publié le 30 avril 2024
L'élève-gendarme Lucas devant un carbet détruit dans le cadre d'une mission de lutte contre l'orpaillage illégal.
© GEND/ G.R. / ADC.BOURDEAU

Depuis le 29 janvier 2024, l’élève gendarme Lucas est projeté en Guyane avec l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) 13/5 de Sathonay-Camp, dans le cadre de l’opération Harpie de Lutte contre l’orpaillage illégal (LCOI). Tout juste affecté dans cette unité après sa sortie d’école, il raconte sa première mission outre-mer.

Le vendredi 5 janvier 2024, par une froide matinée, l’élève gendarme Lucas s’était réglementairement présenté à ses nouveaux camarades à l’occasion de sa première journée de travail à l’escadron. Il avait alors entamé à leurs côtés une préparation d’une semaine à la mission en Guyane à venir. Le lundi 29 janvier, leur avion atterrissait à l’aéroport international de Cayenne - Félix Éboué. Après une semaine consacrée aux conférences d’accueil et au stage forêt, les gendarmes étaient rapidement positionnés à l’ouest du territoire guyanais. Tandis qu’une partie de l’escadron rejoignait Saint-Laurent-du-Maroni, l’autre moitié, dont Lucas faisait partie, était projetée à Maripasoula par avion-cargo militaire. Alors que les gendarmes de l’EGM 13/5 œuvrent depuis plus de deux mois contre l’orpaillage illégal, Lucas retrace ses impressions les plus marquantes depuis son arrivée.

Mercredi 31 janvier – Conférences d’accueil à Cayenne

« J’essaie de m’acclimater à la chaleur. J’apprends beaucoup sur la Guyane et l’orpaillage illégal grâce aux conférences d’accueil. Nous avons perçu les sacs forêt. Je prépare mon matériel en vue du stage qui débute demain. Je suis impatient de découvrir ce milieu. »

Vendredi 2 février – Deuxième jour du stage forêt

« Je viens de vivre ma première nuit en forêt. J’ai eu quelques difficultés à installer mon hamac. Dès que la nuit tombe, nous n’y voyons plus rien avec la densité de la canopée. Il devient rapidement difficile de repérer son matériel et de s’orienter. Je me suis rendu compte qu’il est vraiment essentiel de compartimenter le sac forêt afin de retrouver facilement ce que l’on cherche à l’intérieur. J’ai été surpris par la baisse des températures la nuit. Le froid et les moustiques m’ont réveillé vers 3 h 00 du matin. Au réveil, le plus dur a été de remettre la tenue humide de la veille, mais c’est une habitude à prendre. »

Dimanche 4 février – Fin du stage forêt

« Hier, nous avons connu une journée assez éprouvante au cours de laquelle nous avons dû restituer toutes les connaissances acquises au cours du stage. Le matin, nous sommes partis en pirogue, puis nous avons effectué une marche en forêt afin de rejoindre un camp d’orpaillage illégal (faux site mais identifié comme tel dans le cadre de l’exercice, NDLR) situé à 3,7 kilomètres. Nous avons dû mettre en œuvre des notions de topographie afin de nous orienter ou encore effectuer des gestes de premier secours dans le cadre d’une prise à partie par arme à feu. C’était un exercice relativement éprouvant. Malgré le fait que je sois sportif et entraîné, marcher en forêt équatoriale en double armement (Famas et SIG-Sauer SP 2022, NDLR), avec un sac sur le dos, est l’une des choses les plus difficiles que j’ai faites. Pour ma part, je suis né autour des montagnes. Le climat ici n’a rien à voir avec celui que j’ai pu connaître jusqu’alors. J’ai eu la sensation d’épuiser toutes les ressources de mon corps. Je me suis aussi rendu compte que la situation peut rapidement se dégrader dans ce milieu. Les coups de chaud sont fréquents, raison pour laquelle il faut boire beaucoup et se ressourcer en sels minéraux au cours de la progression. Un camarade a éprouvé des difficultés. La cohésion est alors essentielle. Nous nous sommes réparti son matériel afin de l’alléger. Je me suis chargé de porter son GPB (Gilet Pare-Balles, NDLR). Cela n’a rien d’extraordinaire, et pourtant le seul fait d’ajouter ce poids a rendu la marche plus épuisante encore. Je me suis également aperçu qu’il fallait se montrer particulièrement attentif au cours de nos déplacements. La végétation, les marécages et les racines recourbées au sol sont autant d’obstacles qui menacent de nous faire tomber.
Je me sens bien mieux préparé après ce stage. Je connais davantage mon matériel. Après l’avoir testé pendant trois jours, je vais procéder à des changements et ne conserver que le strict nécessaire afin que le sac soit moins lourd à transporter. J’ai également mesuré l’importance d’installer le bivouac de jour. Je ressens moins d’appréhension en ce qui concerne les dangers de la forêt, la faune, la flore et le climat, même si j’ai consommé au moins trois litres d’eau par jour. Nous avons également été confrontés à la séparation totale avec la famille. Nous n’avons pas pu donner de nouvelles pendant plus de trois jours. Cette situation nous a donné un aperçu de ce que nous vivrons dans la jungle. La prochaine étape consistera à réaliser le reconditionnement du matériel avant le départ vers Maripasoula. J’ai hâte de vivre ma première mission. »

Militaires embarquant en avion casa vers Maripasoula.
© GEND/ SIRPAG/ GND.CHATAIN

Jeudi 15 février – Première mission en forêt

« Aujourd’hui, j’ai réalisé ma première mission en forêt. Nous étions dix militaires des Forces armées en Guyane (FAG) et six gendarmes. Nous avons organisé des patrouilles depuis une mine légale, de manière à découvrir des chantiers aurifères clandestins autour de celle-ci. Au cours de la première journée, nous avons essentiellement mis la main sur du carburant utilisé pour alimenter les machines servant à l’orpaillage illégal. Je me sens très fatigué à l’issue de cette première mission. Nous avons beaucoup marché, en suivant fréquemment un azimut brutal (progresser linéairement, sans emprunter les pistes, en se frayant un chemin en forêt, souvent à l’aide d’une machette, NDLR), ce qui demande beaucoup d’énergie. Les insectes, la boue et la végétation constituent autant de points de vigilance. La chaleur m’a conduit à consommer énormément d’eau. J’en avais emporté trois litres dans mon sac, mais à chaque pause, je sentais que mon corps réclamait la moitié d’une bouteille. Le mieux aurait été de partir avec cinq litres. Au cours du stage forêt, je m’étais habitué à avoir un sac particulièrement lourd sur mon dos. Je l’avais allégé, donc il était plus supportable. Malgré cela, j’ai vraiment commencé à le sentir au bout de trois ou quatre heures de marche. Il me brûlait les épaules et générait des frottements. »

Samedi 24 février au jeudi 7 mars et mardi 19 mars au jeudi 4 avril – Poste avancé opérationnel tactique (POAT) de Dorlin

« J’ai effectué successivement 13, puis 17 jours à Dorlin. Il s’agit d’un poste avancé particulièrement isolé à partir duquel nous effectuons des missions en forêt. La première d’entre elles m’a beaucoup marqué dans la mesure où j’y ai tout découvert, qu’il s’agisse des premiers chantiers illégaux, des premiers grammes d’or ou encore des phases judiciaires. Nous avons notamment concentré nos efforts sur le secteur d’Eau claire, situé à proximité de Dorlin et particulièrement orpaillé. Les missions se sont révélées très exigeantes et ont conduit à un bilan conséquent. Elles m’ont permis d’appréhender les actes judiciaires à réaliser en matière d’orpaillage illégal et à travailler conjointement avec les FAG. Nous nous sommes très bien entendus avec les militaires du 1er Régiment de chasseurs parachutistes (1er RCP) de Pamiers. Cette expérience m’a également conduit à approfondir ma connaissance de la faune et de la flore. J’ai par exemple pu observer une araignée Goliath. Je me suis souvent servi des connaissances acquises au cours du stage forêt, mais c’est en effectuant plusieurs missions qu’on gagne en sérénité.

Nous avons également contribué à l’entretien de la sépulture du major Blanc et nous avons participé aux commémorations données en sa mémoire un an après sa mort.
La vie au poste de Dorlin est assez rustique. Nous dormons exclusivement en hamac, dans des carbets
(abri de bois sans mur, typique de la Guyane, NDLR), et nous nous douchons dans une petite crique artificielle constituée de sacs de sable qui retiennent l’eau provenant d’une source.

Le système Starlink a récemment été déployé sur ce site et nous permet d’échanger facilement avec nos familles. En revanche, nous n’avons pas la possibilité de communiquer avec elles lorsque nous sommes engagés en forêt. »

Lundi 15 avril 2024 – Cantonnement mobile de Maripasoula

« Lorsque nous ne sommes pas projetés sur des postes avancés ou que nous n’effectuons pas de missions en forêt, nous récupérons au cantonnement de Maripasoula. Nous venons de réaliser la bascule, ce qui signifie que nous avons désormais effectué plus de la moitié du déplacement. Même si l’éloignement commence à se faire sentir, le moral reste bon. Je parviens à joindre ma famille régulièrement et nous nous serrons les coudes avec ma conjointe, également gendarme, restée en métropole. Je participerai encore à des missions d’ici notre départ prévu début juin, mais je mesure déjà la chance que j’ai eue de pouvoir effectuer mon premier déplacement en Guyane. J’ai eu l’opportunité de découvrir plein de choses, toutes plus exceptionnelles les unes que les autres, qu’il s’agisse de l’opération de lutte contre l’orpaillage illégal, de la culture guyanaise, de la faune et de la flore et de la forêt équatoriale. »

Contacter la gendarmerie

Numéros d'urgence

  • Police - Gendarmerie : 17
  • Pompier : 18
  • Service d'Aide Médicale Urgente (SAMU) : 15
  • Sourds et malentendants : www.urgence114.fr ou 114 par SMS
  • Urgence Europe : 112

Sécurité et écoute

  • Enfance en danger : 119
  • Violences conjugales : 39 19
  • Maltraitance personnes âgées ou en situation de handicap : 39 77

Ces contenus peuvent vous intéresser