Le CCP de Saint-Georges : une structure incontournable de la coopération transfrontalière franco-brésilienne

  • Par le capitaine Tristan Maysounave
  • Publié le 23 septembre 2024
Jorivan Brito Nascimento, officier de liaison de la police fédérale brésilienne au CCP et le capitaine Flavien Besnehard, commandant le CCP, à la frontière brésilienne.
© GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

La commune guyanaise de Saint-Georges, située à la frontière avec le Brésil, accueille un Centre de coopération policière (CCP). Cette structure, originale à bien des égards, favorise la coopération entre les deux États en obtenant des résultats probants.

À 190 kilomètres au sud-est de Cayenne se trouve la commune de Saint-Georges. Elle est bordée par le fleuve Oyapock, qui marque la frontière avec le Brésil. Cette situation induit des mouvements de population entre les deux rives ainsi que des problématiques communes. Des phénomènes criminels provenant du Brésil pénètrent ainsi la Guyane française. C’est par exemple le cas de l’orpaillage illégal, qui s’est constitué autour de réseaux logistiques implantés au Suriname, à l’ouest, et au Brésil, à l’est.

Afin d’approfondir leur coopération transfrontalière, la France et le Brésil ont créé un Centre de coopération policière (CCP) qui s’appuie sur l’accord de partenariat en matière de sécurité publique du 12 mars 1997 et sur le protocole additionnel du 7 septembre 2009. Les services douaniers n’étant pas intégrés dans la coopération (pour en savoir plus, voir la question écrite n°13549 de la 15e législature), le centre de Saint-Georges est le seul parmi la dizaine de centre existant à ne pas être doté du « D » dans son acronyme. Il est d'ailleurs le seul centre de coopération hors espace Schengen. Commandé par le capitaine de gendarmerie Flavien Besnehard, le CCP est un organisme interministériel et binational rattaché au Commandement de la gendarmerie de la Guyane française (COMGENDGF). Il est armé par cinq autres personnels (deux sous-officiers de gendarmerie, un policier de la Direction territoriale de la police nationale – DTPN, un agent de la police fédérale brésilienne – PF, et un agent de la police routière fédérale brésilienne – PRF).

En raison de la typologie des populations originaires du Brésil présentes en Guyane, le CCP travaille avec trois États brésiliens. Il s’agit en premier lieu de l’Amapá, seul État du Brésil disposant de frontières avec la Guyane, dont les deux policiers brésiliens intégrés au CCP sont issus, ainsi que du Pará et du Maranhão de manière plus secondaire.

Véritable unité d’appui opérationnel, le CCP a permis de systématiser les échanges entre les deux pays. La coopération facilite l’identification des délinquants et la constitution d’une base documentaire sur les phénomènes criminels irriguant le Brésil et la Guyane française.

Systématiser les échanges

En raison de sa structure particulière, le CCP de Saint-Georges présente un fonctionnement qui diffère des autres CCPD.

Les personnels du CCP ont mis en place des procédures visant à systématiser l’échange de renseignements, notamment afin d’identifier des individus d’origine brésilienne auteurs d’infractions en Guyane. 680 demandes de ce type ont ainsi été transmises au Brésil en 2023. De même, les placements en garde à vue de mis en cause et les retenues administratives des Étrangers en situation irrégulière (ESI) d’origine brésilienne donnent systématiquement lieu à une information faite au Brésil. Les autorités policières et judiciaires du pays peuvent alerter la France sur l’éventuelle existence d’un mandat d’arrêt délivré à l’encontre de l’individu par un magistrat brésilien. Les forces de sécurité intérieure françaises sont alors en mesure de le reconduire à la frontière à l’issue de la garde à vue, de la retenue ou de la mesure de détention, afin de permettre sa prise en compte par le Brésil et l’exécution du mandat d’arrêt. Cette coopération réduit les risques de fuite d’un pays vers l’autre et participe à lutter contre le sentiment d’impunité qui pourrait en résulter.

« La reconduite à la frontière génère un fort impact psychologique. Les magistrats et les institutions ont pris l’habitude de solliciter le CCP », se félicite le capitaine Flavien Besnehard.

Des facilités sont également accordées aux agents du CCP afin de leur permettre d’agir sur les territoires des deux pays. « L’accord prévoit que nous pouvons nous rendre dans l’État de l’Amapá en véhicule de service, en tenue et armés, précise l’officier. Nous pouvons aisément nous porter au contact des organismes et des forces de sécurité intérieure du pays sans aucun formalisme. »

Afin de favoriser l’interconnaissance des unités des deux pays, des journées de formation sont organisées. « Nous participons par exemple à des séances de tir communes et à des formations de secours au combat et nous organisons des rencontres thématiques, complète le capitaine Besnehard. La Brigade motorisée (B.Mo.) de la compagnie de gendarmerie départementale de Matoury a, par exemple, présenté ses procédés de contrôle de documents et de véhicules à des unités de police brésiliennes. Ces échanges nous permettent de renforcer nos liens. »

Forces françaises et brésiliennes posant ensemble suite à une action de coopération.
© GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

Les agents du CCP participent enfin à des actions de représentation et à des cérémonies et mènent des opérations de communication permettant de valoriser les résultats du centre de coopération.

Identifier les phénomènes criminels

Le fonctionnement du CCP permet également à ses agents de travailler sur des phénomènes criminels irriguant les deux territoires.

Le gendarme Antoine mène des recherches portant sur l’organisation logistique de l’orpaillage illégal. Il approfondit notamment la question du financement de cette activité et des interactions existant entre les différents réseaux criminels.

L’adjudant Jérémy s’intéresse aux factions brésiliennes présentes en Guyane. Dès 2017, les recherches menées par le CCP avaient permis de renseigner les autorités françaises sur leurs premières implantations. Des contacts avaient immédiatement été établis avec le Brésil. La base documentaire est aujourd’hui conséquente et a permis d’identifier les principales bandes armées et certains de leurs membres, les territoires où ils agissent ainsi que leurs modes opératoires. Dans ce cadre-là, les agents du CCP ont également constitué un livret répertoriant les tatouages portés par les membres des factions ainsi que leur signification. Le dollar est par exemple le signe d’un individu adepte du vol ou comptable dans un groupe criminel organisé. Le recoupement des tatouages permet de faciliter l’identification de l’individu mais aussi de sensibiliser l’enquêteur de l’unité l’ayant pris en compte sur sa dangerosité, par exemple dans le cadre d’une mesure de garde à vue. Les unités de gendarmerie ont en effet pris l’habitude d’adresser leurs signalements au CCP, ce qui lui permet de leur apporter une réponse systématique contenant des renseignements sur l’individu.

Ces procédés démontrent que le CCP n’est pas seulement une unité dédiée au renseignement mais également une unité d’appui opérationnel.

Une unité d’appui opérationnel

Les agents du CCP participent à des opérations miroir menées par les forces françaises et les forces brésiliennes. L’opération Rochelle est mise en œuvre une fois par mois à la frontière entre la France et le Brésil. Du côté français, elle permet de rechercher des individus qui seraient impliqués dans l’orpaillage illégal. Au Brésil, les unités de police luttent contre le trafic de marchandises. Deux fois par an, les forces de sécurité intérieure et les forces armées des deux pays mènent l’opération Jararaca. D’une durée de deux semaines, elle vise à lutter contre l’orpaillage illégal par l’interception des flux logistiques empruntant l’Oyapock.

Forces françaises et brésiliennes engagées dans le cadre d'une opération Jararaca.
© GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

Les agents du CCP rédigent également des notes d'information. Leur valeur juridique étant reconnue par les tribunaux, elles sont annexées aux procédures judiciaires. Ainsi, lors de l’homicide du major Arnaud Blanc, les personnels du CCP ont initié d’initiative des recherches afin de confondre les membres de la bande armée à l’origine du crime, en liaison avec la Section de recherches (S.R.) de Cayenne. Quatre individus ont été identifiés en moins de 24 heures grâce aux informations détenues par le Centre de coopération et son réseau. Des agents du CCP se sont transportés au Brésil pour convoquer la femme du chef de la bande armée afin qu'elle soit entendue par des enquêteurs de la S.R. dans les locaux de la Brigade territoriale autonome (BTA) de Saint-Georges. Un renseignement leur est également parvenu indiquant que la bande armée allait tenter de fuir au Brésil par le fleuve. Un agent du CCP s’est alors transporté avec le 12e BPM (Batalhão de Policia Militar – bataillon de la police militaire) et du 34e bis Exercito Brasileiro (armée de Terre brésilienne) afin de l’intercepter si le renseignement se confirmait.

Ces engagements témoignent de la vitalité du CCP et de ses perspectives d’avenir.

Des perspectives d’avenir

« Le CCP est expérimental dans le sens où nous n’avons pas de logiciel type comme les autres CCPD, explique le capitaine Besnehard. L’absence de D en fait une entité à part. Cela fait 14 ans que le centre est implanté dans ces locaux, mais ceux-ci ne sont pas définitifs pour autant. »

Malgré le renforcement des échanges, il n’existe pas d’accord d’extradition entre les deux pays. Les infractions les moins conséquentes peuvent faire l’objet d’une dénonciation adressée au Brésil. Le commissaire brésilien décide alors de poursuivre ou non l’individu pour les faits concernés. Les infractions les plus graves doivent faire l’objet d’une demande d’entraide pénale internationale. Néanmoins, les actions de collaboration dans ce domaine s’accroissent. Ainsi, en 2023, le CCP, en coordination avec le Centre de conduite des opérations (CCO), avait par exemple adressé un rapport de renseignement portant sur une pirogue logistique brésilienne particulièrement active en Guyane. La police fédérale brésilienne avait alors conduit une opération contre cette pirogue et les orpailleurs présents à son bord.

En raison de ses bons résultats, le CCP connaîtra prochainement une densification de ses effectifs, avec l’intégration de nouveaux agents en provenance des polices militaire et civile de l'Amapà et du corps de pompiers militaires de l'État de l'Amapà. Cette décision a été prise en commission mixte transfrontalière, qui réunit les institutions fédérales, les institutions de l’État de l’Amapá et de la France.

Le CCP constitue également un exemple intéressant sur lequel les deux États peuvent s’appuyer, témoigne Jorivan Brito Nascimento, officier de liaison de la police fédérale brésilienne au CCP : « Actuellement, le Brésil parfait ses connaissances concernant ses frontières afin de les rendre plus sûres. L’année dernière, il a créé 9 centres transfrontaliers conjointement avec les États du Mercosur. Un centre de coopération environnementale devrait également voir le jour à Manaus, afin de renforcer la protection de la forêt amazonienne. La France devrait être représentée par un officier de liaison. »

Portrait du capitaine Flavien Besnehard, commandant le CCP

Je me suis engagé en gendarmerie en 1993 en tant que sous-officier. J'ai servi en gendarmerie mobile jusqu’en 2014, année au cours de laquelle j’ai présenté le concours d’Officier de gendarmerie rang (OGR). À l’issue de la scolarité, j’ai commandé un peloton de l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) 26/3 de Dreux, avant de devenir commandant en second du Peloton spécialisé de protection de la gendarmerie (PSPG) de Flamanville.
J’ai effectué une demande de séjour outre-mer, où j’ai spécifiquement demandé la Guyane, que je connaissais bien en raison des nombreuses missions que j’y avais effectuées en tant que gendarme mobile. J’ai d’abord été affecté à la compagnie de gendarmerie départementale de Saint-Laurent-du-Maroni en 2022, en tant qu’adjoint, avant de prendre le commandement du CCP en 2023. L’une des conditions principales était d’être lusophone. Je suis pleinement satisfait de ce poste, qui est complètement atypique dans une carrière, et qui permet de découvrir la coopération internationale. Les échanges avec nos partenaires brésiliens sont particulièrement enrichissants. Je disposais d’une véritable connaissance de cet État frontalier, et notamment d’Oiapoque, ville de l'État de l'Amapá faisant face à Saint-Georges, en raison de mes attaches personnelles.
Après ce poste, je connaîtrai une dernière affection en métropole avant de prendre ma retraite au Brésil.

 

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