Guyane : les gendarmes protègent le Port spatial de l’Europe

  • Par le capitaine Tristan Maysounave
  • Publié le 25 septembre 2024
Gendarmes du dispositif Orchidée patrouillant devant le CSG.
© GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

Implanté sur les communes de Kourou et Sinnamary, le Centre spatial guyanais (CSG) assure l’autonomie spatiale de la France et de l’Europe. Un dispositif de protection, au sein duquel la gendarmerie joue un rôle majeur, est déployé en permanence et fortement renforcé à l’occasion des lancements.

Le mardi 9 juillet dernier, le lanceur Ariane 6 a réussi son vol inaugural depuis le CSG, aussi appelé Port spatial de l’Europe. Pour l’occasion, gendarmes mobiles et départementaux étaient mobilisés dans le cadre de l’opération Titan de protection du site, aux côtés des Forces armées guyanaises (FAG).

Traversé par la route de l’espace, le CSG est implanté sur une superficie de 660 km² sur les communes de Kourou et Sinnamary, soit trois fois la taille de Mayotte. La compagnie de gendarmerie départementale de Kourou, commandée par le chef d’escadron Nicolas Millery, est compétente sur le ressort du CSG. Base de lancement de l'Agence spatiale européenne (ESA) et de l'Agence de l'Union européenne pour le programme spatial (EUSPA), le centre spatial est géré conjointement par le Centre national d'études spatiales (CNES), qui en est le propriétaire, Arianespace et l'ESA.

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la France développe son programme spatial et implante ses premières bases de lancement en Algérie. Au moment du processus d’indépendance, le gouvernement français missionne le CNES afin d’identifier un nouveau territoire. La ville de Kourou est choisie en raison de ses nombreux atouts (superficie disponible importante, absence d’événement climatique majeur, proximité avec l’équateur terrestre favorisant l’effet de fronde gravitationnelle). Le CNES s’installe en 1964 et le site devient opérationnel en 1968. Alors que la commune n’était que très peu peuplée, le CNES construit de nombreuses installations et attire un nombre conséquent de personnes, qui s’installent afin de travailler pour le centre spatial. Aujourd’hui, Kourou compte 25 000 habitants. Fleuron français, le CSG génère 20 % du PIB de la Guyane et compte 1 500 emplois directs, et jusqu’à 5 000 emplois indirects. En raison de leur emplacement stratégique, le CNES est également propriétaire des îles du Salut, situées en face de Kourou. Il exploite également le port de Pariacabo, qui reçoit le fret spatial à destination du CSG.

Outil d’indépendance national, le CSG présente des enjeux stratégiques énormes. Il comporte de nombreuses installations sensibles, dont le port, et fait l’objet d’une protection assurée à la fois par des acteurs publics et privés. La gendarmerie assure un rôle de premier plan, tant dans le cadre du dispositif de sécurisation permanent Orchidée, qu’à l’occasion des lancements qui font l’objet d’une protection spécifique avec la mise en œuvre de l’opération Titan.

Le détachement Orchidée assure la protection permanente du site

Armé en permanence par un Escadron de gendarmerie mobile (EGM), le détachement Orchidée est chargé d’assurer la protection interne du site 24h/24, 7j/7, en complément des missions de surveillance et de filtrage opérées par une société de sécurité privée. Financé par le CNES, ce détachement dispose d’un bâtiment attitré au sein du site et travaille exclusivement au profit du CSG. Les gendarmes de l’escadron effectuent également des patrouilles au sein de la commune de Kourou à travers leur participation à un Détachement de surveillance et d’intervention (DSI). Un binôme assure enfin en permanence la sécurisation des îles du Salut.

 

« Trois menaces majeures sont identifiées, explique le chef du service de sûreté protection du CSG et officier de sécurité de la base spatiale, Hamel-Francis Mekachera. Il s’agit des perturbations de l’activité spatiale, de l’espionnage technologique et des actes de terrorisme. »

Le détachement Orchidée assure donc la protection du site en temps normal, c’est-à-dire en dehors des phases de lancement.

  • Gendarmes surveillant le CSG à côté de leur véhicule.
    © GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU
  • Gendarmes patrouillant à pied dans le CSG.
    © GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU
  • Gendarmes sécurisant le CSG.
    © GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU
  • Gendarmes surveillant le CSG à côté de leur véhicule.
    © GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU
  • Gendarmes patrouillant à pied dans le CSG.
    © GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU
  • Gendarmes sécurisant le CSG.
    © GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

Certains événements requièrent néanmoins une attention particulière, notamment lorsque le Canopée accoste au port de Pariacabo. Propriété d’ArianeGroup, ce navire est chargé d’acheminer les composants d’Ariane 6 entre l’Europe et la Guyane française. Un dispositif spécifique mobilisant gendarmes mobiles et départementaux est donc mis en œuvre entre le port et le CSG afin d’acheminer les pièces, souvent sensibles. La Brigade motorisée (B.Mo.) de Kourou est chargée d’assurer les escortes. En raison de l’aspect stratégique du port et du Canopée, le CSG, les gendarmes et les FAG réalisent un exercice annuel commun permettant d’aborder plusieurs scénarios possibles (intrusion, prise d’otages, action de sabotage, etc.).

Gendarme sécurisant l'arrivée du Canopée.
© GEND/ CGD KOUROU

À l’occasion des lancements, le dispositif de sécurisation fait l’objet d’un renforcement exceptionnel avec le déclenchement de l’opération Titan, impliquant la mise en œuvre de zones d’exclusion.

Opération Titan : un dispositif de sécurisation exceptionnel à l’occasion des lancements

Commune aux FAG et à la gendarmerie, l’opération Titan a pour vocation la mise en place d’un dispositif militaire complet de protection de la zone sensible lors du lancement. Elle permet d’empêcher la commission d’acte pouvant nuire ou annuler le lancement, tout en garantissant l’intégrité des biens et des personnes. Un périmètre d’exclusion terrestre, maritime et aérien est défini pour chaque lancement. Il tient compte des conditions météorologiques (vent, etc.) et de la trajectoire du lanceur. En cas d’intrusion d’une personne dans la zone, le lancement est susceptible d’être annulé. En raison de sa proximité avec le pas de tir, le bâtiment Orchidée est systématiquement évacué, de même que les îles du Salut se trouvant sous la trajectoire.

Exceptionnelle par son ampleur, l’opération mobilise des forces agissant dans les trois dimensions afin de créer une bulle de sécurité autour du pas de tir. Leur complémentarité permet le déploiement d’un dispositif dans la profondeur. Parmi elles, 150 gendarmes mobiles et départementaux sont mobilisés.

Sur site et aux abords de celui-ci, les gendarmes du détachement Orchidée œuvrent à assurer le caractère hermétique du dispositif avec l’appui des gendarmes départementaux de la compagnie et du reliquat de l’escadron venu les renforcer. Un pool judiciaire est constitué avec l’appui de la Section de recherches de Cayenne et de la Brigade de recherches de Kourou. Sa mission est de judiciariser les événements susceptibles de survenir au cours de la phase de lancement. L’Antenne du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (AGIGN) de Cayenne engage également deux équipes. La première est capable d’intervenir sur tout le site à l’aide d’un hélicoptère Puma dans le cadre de la Quick response force (QRF) en cas de suspicion d’intrusion. La seconde est chargée de protéger les personnalités se trouvant dans la salle Jupiter. Ce centre de contrôle accueille les personnels opérationnels qui coordonnent le lancement, les invités et la presse. Lors des tirs les plus sensibles, l’AGIGN déploie également ses véhicules blindés, notamment afin de pouvoir réagir dans les plus brefs délais en cas de troubles à l’ordre public susceptibles de menacer le lancement.

D’autres moyens spéciaux sont également utilisés. Outre les moyens de Lutte anti-drone (LAD) et l’engagement d’un hélicoptère de la Section aérienne de gendarmerie de Cayenne (SAG), les gendarmes effectuent des patrouilles en quad ou à cheval.

Sur l’eau, la complémentarité des FAG et de la gendarmerie s’avère essentielle, tant pour parvenir à sécuriser les nombreux kilomètres de littoral appartenant au CSG, que pour garantir l’exclusion de la zone se trouvant sur la trajectoire du lanceur. Au plus près de la côte, militaires des FAG, de la Brigade fluviale et nautique (BFN) de Matoury et du Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) de Kourou œuvrent à l’aide d’embarcations à faible tirant d’eau. Ces derniers utilisent notamment des jet-skis.

  • Gendarme du PSIG circulant en jet-ski.
    © GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU
  • Gendarme du PSIG circulant en jet-ski.
    © GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU
  • Gendarmes du PSIG circulant en jet-ski.
    © GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU
  • Gendarmes de dos à bord de leurs jet-skis.
    © GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU
  • Gendarme du PSIG circulant en jet-ski.
    © GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU
  • Gendarme du PSIG circulant en jet-ski.
    © GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU
  • Gendarmes du PSIG circulant en jet-ski.
    © GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU
  • Gendarmes de dos à bord de leurs jet-skis.
    © GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

« Nous utilisons deux VNM (Véhicules Nautiques à Moteur) afin de faire respecter la zone d’exclusion, explique le major Éric, commandant le PSIG de Kourou. Les jet-skis nous permettent d’agir rapidement afin d’intercepter des moyens nautiques violant le périmètre et de naviguer malgré les marées. Nous sommes équipés en moyens radio afin de rester en contact avec les unités au sol et celles patrouillant en eaux plus profondes. »

Plus au large, les vedettes de la gendarmerie maritime et les patrouilleurs de la Marine nationale complètent le dispositif.

Après une période transitoire, le lancement d’Ariane 6 augure d’une hausse d’activité du CSG.

Une montée en puissance prévisible

Le vol inaugural d’Ariane 6 marque la fin d’une période transitoire qui avait débuté avec le dernier lancement d’Ariane 5, le 5 juillet 2023. En effet, la fin de ce lanceur a conduit à une baisse de l’activité du CSG, avec seulement quatre lancements opérés depuis la base en 2023. L’année 2024 devrait connaître un nombre de tirs similaire, avant une montée en puissance progressive du site, favorisée par les lancements institutionnels et par le développement des lanceurs privés. Dix tirs sont ainsi escomptés pour l’année 2025, et jusqu’à deux tirs par semaine à plus long terme. L’ambition affichée par le CSG devrait conduire à un développement de ses infrastructures et à un plan de recrutement.

Affiche du vol inaugural d'Ariane 6.
© CSG

« Cette prévision induit nécessairement une réflexion sur le dispositif de sécurisation et sur les effectifs gendarmerie dédiés à cette mission », conclut le chef d’escadron Millery.

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