Guyane : « Un engagement opérationnel comme je n’en ai jamais connu »

  • Par le capitaine Tristan Maysounave
  • Publié le 19 septembre 2024
Le lieutenant-colonel Babel alors chef d'escadron.
© GEND/ SIRPAG/ ADC BOURDEAU

Depuis le 1er août 2023, le lieutenant-colonel Stéphane Babel commande la compagnie de gendarmerie départementale de Saint-Laurent-du-Maroni. En poste depuis bientôt un an, il revient sur sa carrière et relate les spécificités d’une unité marquée par des caractéristiques géographiques hors normes et un engagement exceptionnel.

Mon colonel, pouvez-vous nous retracer votre parcours ?

J’ai commencé ma carrière en tant que sous-officier. À l’issue de la formation initiale, j’ai rejoint l’Escadron de gendarmerie mobile (EGM) 45/3 de Saint-Amand-Montrond (Cher) en 2000. En 2004, j’ai été affecté au Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) de Gien (Loiret), dans le cadre d’un Changement de subdivision d’arme (CSA). En 2008, j’ai incorporé l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN). Après la scolarité, j’ai pris le commandement de la Communauté de brigades de Ducos, en Martinique. De 2015 à 2019, j’ai été commandant en second de la compagnie de gendarmerie départementale de Marmande (Lot-et-Garonne), avant de commander la compagnie de Pamiers (Ariège) jusqu’en 2023. À l’été 2023, j’ai rejoint la compagnie de Saint-Laurent-du-Maroni afin d’en prendre le commandement.

Dans quelle mesure la compagnie de gendarmerie départementale de Saint-Laurent-du-Maroni est-elle singulière ?

Armée par 133 personnels, la compagnie de Saint-Laurent-du-Maroni présente d’abord des dimensions exceptionnelles. D’une superficie un peu plus grande que la Belgique, elle est située au cœur de l’Amérique du Sud et s’étend sur la partie ouest de la Guyane, de Awala-Yalimapo jusqu’à Maripasoula, en longeant le fleuve Maroni. Deux des unités placées sous mon commandement ne sont ainsi accessibles que par voie fluviale ou aérienne. Une journée de pirogue est nécessaire pour rejoindre Grand-Santi et deux jours le sont pour se rendre à Maripasoula. Il faut donc accorder une grande confiance aux commandants de ces unités et ceux-ci doivent faire preuve d’autonomie et de résilience. L’acheminement de matériels vers ces unités est particulièrement complexe.

Outre ces caractéristiques, la compagnie est également marquée par un taux de criminalité important. Les infractions sont essentiellement commises sur la commune de Saint-Laurent-du-Maroni. Celle-ci comprend de nombreux quartiers informels (bidonvilles) marqués par une forte pauvreté, au sein desquels vivent un grand nombre de personnes en situation irrégulière. Le fleuve-frontière avec le Suriname est particulièrement poreux. Des Surinamais traversent ainsi le fleuve afin de commettre des infractions à Saint-Laurent.
En 2023, nous avons recensé 4 300 crimes et délits commis sur le ressort de la compagnie, dont 263 vols à main armée (VAMA). Ce qui constitue 25% du total des VAMA commis en zone gendarmerie en métropole et en outre-mer. Les délinquants profitent également des spécificités du territoire pour commettre leurs méfaits. Certaines parties de la commune étant inaccessibles par voie routière, nous devons recourir à des quads.

Un autre engagement à ne pas omettre est la Lutte contre l’orpaillage illégal (LCOI). Celle-ci est directement conduite par le Commandement de la gendarmerie de la Guyane Française (COMGENDGF). Des gendarmes mobiles sont spécifiquement prépositionnés à Saint-Laurent-du-Maroni et agissent sur l’ouest de la Guyane, particulièrement orpaillé.

En raison de son éloignement avec Cayenne, la compagnie dispose également d’unités habituellement implantées au niveau départemental. C’est le cas du Centre de soutien automobile de la gendarmerie (CSAG), d’une équipe de la Cellule d’identification criminelle (CIC) ou encore de la Maison de protection des familles (MPF). Celle-ci connaît un fort engagement. En effet, la commune compte 50 000 habitants, parmi lesquels 22 000 enfants sont scolarisés. La moyenne d’âge des Saint-Laurentais est de 17 ans. La MPF a donc fort à faire dans les nombreux établissements scolaires, alors que l’un des enjeux majeurs de la commune est d’occuper sa jeunesse.

Quelles sont les opérations menées afin de lutter contre la délinquance ?

Comme je le disais, la MPF réalise un important travail de prévention. Nous comptons également sur le renfort des gendarmes mobiles et des réservistes. Nous disposons ainsi du concours permanent d’un Escadron de gendarmerie mobile (EGM), auquel nous confions deux missions. Un tiers des effectifs est dédié au Poste de contrôle routier (PCR) Margot, situé sur la route nationale 1, en direction de Cayenne et tenu en permanence. Les effectifs restants arment le Détachement de surveillance et d’intervention (DSI), dont la mission prioritaire est de dissuader la commission de VAMA.

La clé de la lutte contre la délinquance d’appropriation consiste à mettre en place de nombreuses Opérations anti-délinquance (OAD). Celles-ci mobilisent des effectifs conséquents et des moyens importants, permettant de contrôler quasiment l’intégralité des personnes et des véhicules se trouvant dans un périmètre donné, réquisition à l’appui. La meilleure façon de résoudre un fait est qu’il n’existe pas, raison pour laquelle la présence de voie publique des gendarmes est prioritaire à Saint-Laurent-du-Maroni.

La Brigade motorisée (B.Mo.) est confrontée à une délinquance routière conséquente. Les excès de vitesse sont particulièrement nombreux sur la route nationale 1. Cette unité multiplie donc ses services afin d’endiguer ce phénomène.

L’ouverture, le 1er avril dernier, de la brigade fluviale de gendarmerie de Saint-Laurent-du-Maroni devrait également participer à lutter contre la délinquance, en permettant d’intercepter marchandises contrefaites et étrangers en situation irrégulière sur le fleuve Maroni.

Quels partenariats avez-vous constitués ?

Nous avons constitué plusieurs partenariats importants, notamment avec la police municipale, qui concentre son action en direction des établissements scolaires du premier degré, ainsi qu’avec la Police aux frontières (PAF) et les services des douanes. Nous menons des contrôles coordonnés communs. Nous avons également initié un partenariat avec la KPS, qui a récemment abouti à la mise en place des premières patrouilles conjointes.

 

Pourquoi avoir fait le choix de la Guyane ?

La compagnie de Saint-Laurent faisait partie des compagnies qui se libéraient. Je m’étais renseigné et j’avais pu apprendre qu’il s’agissait d’une unité particulièrement active et plaisante à commander. Alors que je suis désormais en poste, je constate effectivement que cette compagnie connaît un engagement opérationnel comme jamais je n’ai connu dans ma carrière.

Inciteriez-vous les gendarmes à demander leur mutation à Saint-Laurent-du-Maroni ?

Oui, bien sûr. La dimension opérationnelle est extraordinaire. Nous sommes impactés par la localisation géographique de la compagnie. C’est une unité exigeante mais ô combien passionnante, riche d’enseignements et formatrice, tant d’un point de vue professionnel que personnel. Il faut également être capable de s’adapter en tout lieu et en toutes circonstances et disposer d’une forte résilience, notamment en ce qui concerne les gendarmes affectés dans les unités du fleuve.

Sur le plan personnel, la Guyane est une expérience unique à vivre. Mon épouse a, par exemple, trouvé son rythme de vie et s’y plaît. La situation de la compagnie nous permet de rayonner dans les pays limitrophes d’Amérique du Sud et de profiter de l’arc antillais. La Guyane dispose également d’une faune et d’une flore particulièrement intéressantes à découvrir.

N. B. La photo du lieutenant-colonel Babel a été prise alors qu'il était encore chef d'escadron.

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